Repérage des élèves ou apprentis sortis sans un niveau de qualification - Pourquoi la CGT s’y oppose
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Monsieur le Ministre,
Vous nous présentez aujourd’hui un projet de décret autorisant les différents établissements de formation à transmettre à des destinataires non identifiés, les coordonnées de leurs anciens élèves ou apprentis qui ne sont plus inscrits dans un cycle de formation. Ce projet de texte a pour objet de fixer le niveau de qualification requis : soit le baccalauréat général, soit un diplôme à finalité professionnelle de niveau V ou IV.
Le texte de loi ne dit rien des actions prévues une fois ces personnes repérées (« apporter des solutions de formation, d’accompagnement ou d’accès à l’emploi »). La CGT s’interroge notamment sur les solutions d’accès à l’emploi et craint davantage un système d’information qui facilite le repérage de jeunes, y compris ceux de plus de 16 ans, pour faciliter leur placement dans des situations de sous-emploi et de travail précaire sous payé.
Pour la CGT, il faut agir sur la prévention de la sortie sans diplôme
De nombreuses études ont porté sur les causes des sorties sans diplôme. Il est vrai que certaines évoquent la nécessité d’une meilleure coordination entre acteurs de l’Éducation nationale et de l’Emploi. Mais c’est loin d’être le seul et le plus important des leviers. D’après un Rapport du Conseil de l’Emploi, des Revenus et de la cohésion sociale CERC (n° 9, 2008) :
les inégalités scolaires s’accroissent tout au long de la scolarité, ce qui suggère qu’il faut intervenir tôt.
ces inégalités sont liées principalement aux conditions socio-économiques des familles, à la ségrégation sociale (alors que la carte scolaire est supprimée) et aux orientations de fin de troisième, qui se réduisent souvent, pour les élèves peu performants, à intégrer la filière de l’enseignement professionnel, au lycée ou en apprentissage.
Le CERC souligne qu’ « Un jeune sortant sans diplôme de la formation initiale est le plus souvent un jeune ayant progressivement et durablement subi un sous-investissement en capital humain et en capital social, sous-investissement pesant sur son dynamisme même et qui va peser sur les possibilités d’insertion dans la vie active et dans la société ».
De plus, les dispositifs « en sortie » pourraient très bien coûter plus chers que la prévention : centres fermés, centres de réinsertion scolaire, prisons, police, éducateurs, assistants sociaux…
Actuellement le Ministère est en train de désinvestir dans l’éducation ! Monsieur le Ministre, vous avez demandé aux recteurs de trouver des « gisements d’efficience », en supprimant des divisions, en augmentant le nombre d’élèves par classe, en supprimant les RASED… (c’est beau la novlangue managériale !)
C’est dans ce contexte, que la CGT s’interroge sur l’objectif de ce repérage. Si l’usage de l’outil était un usage statistique fiable (qui ne compte pas comme décrocheurs des jeunes qui sont accrochés ailleurs), nous pourrions y être favorables. Mais s’il y a confusion entre le traitement statistique et le suivi individuel, nous ne pouvons qu’y être opposés En effet, la confusion entre travail statistique et de repérage individuel est dangereux.
La CGT ne peut qu’être inquiète des possibles utilisations d’un outil comprenant des données personnelles consultables par des tiers et interconnectées, en fonction des volontés des gouvernements présents et à venir.
En l’absence de précisions sur l’outil, les objectifs, les modalités et les usages du signalement des « décrocheurs », la CGT ne peut que se prononcer contre ce texte et vous demande, Monsieur le Ministre, de garantir dans la mise en œuvre d’une véritable politique en faveur des « décrochés », le droit au respect de la vie privée des intéressés et de leurs familles et de favoriser toute mesure préventive pour lutter contre le décrochage en concourant à la réduction des inégalités sociales via le service public d’éducation.