Les CHS‐CT, la CHS, les RPS : un enjeu pour le syndicalisme
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- un article du SDEN-Cgt 49
Depuis la mise en place des CHS‐CT en 2011, le débat avec l’administration dans cette instance porte essentiellement sur la question des Risques Psycho‐Sociaux auxquels peuvent être confrontés les personnels. D’autres risques existent bien sûr, en particulier dans le second degré (risques chimiques, électriques, risques liés à l’usage de machines...). Mais les problèmes les plus fréquemment soulevés par les personnels concernent surtout les situations de souffrance au travail, de harcèlement moral, de burnout, d’états dépressifs dus à l’ambiance de travail... Ce sont tous ces risques que l’on regroupe dans l’appellation "Risques Psycho‐Sociaux".
Les Risques Psycho‐Sociaux dans l’Education Nationale
Ces risques sont évidemment liés à la particularité du travail d’enseignant : c’est le seul métier de relations humaines où le professionnel est constamment face à un groupe, vis‐à‐vis duquel il doit avoir de l’autorité et dont il doit avoir la confiance pour faire son travail : faire acquérir des apprentissages.
Ces risques ont toujours existé, mais ce qui change aujourd’hui, c’est l’accroissement des exigences de résultats que la société assigne à l’école, investie d’une mission de lutte contre le chômage par la réussite scolaire de tous les élèves.
Quand la situation sociale se dégrade, l’école en subit les conséquences : familles en détresse, conditions de vie des élèves dégradées, relais d’aide sociale insuffisants, avenir bouché. De tout cela, il résulte désespérance, démission parentale, blocage des apprentissages, agressivité des élèves (entre eux et contre les enseignants) et parfois des familles, incivilités.
Face à tout cela, l’attitude de la hiérarchie ne protège en rien les personnels. Pire, elle reporte sur eux seuls la responsabilité de la "mission" de l’école devant faire réussir tous les élèves, tout en leur refusant, en application de la politique d’austérité, les conditions de travail qui permettent de lutter contre l’échec scolaire.
La multiplication des injonctions venant de la hiérarchie, souvent contradictoires, pour faire appliquer les innombrables "réformes" du système éducatif créent un climat de stress important pour les personnels. Ces injonctions sont vécues comme une remise en cause de la compétence professionnelle. Ceux qui résistent sont souvent l’objet de pressions répétées pour les faire rentrer dans le rang.
La réduction des moyens de l’école désorganise les conditions de travail des personnels et des élèves : insuffisance des moyens humains et matériels, non remplacement des collègues en congé maladie, manque de locaux, absence d’entretien du matériel, emplois du temps sur plusieurs établissements ou flexibles, difficulté à obtenir un poste fixe, pour ne citer que quelques exemples. Mais la hiérarchie ignore ces difficultés et exige : "le service public d’éducation doit être assuré, c’est votre devoir". Elle culpabilise les personnels, avec des pseudos indicateurs chiffrés d’efficacité, dans des contrats d’objectifs, des projets d’établissement.
Quand les personnels sont victimes d’agressions verbales ou physiques, l’attitude de la hiérarchie peut se résumer ainsi : "mais qu’est‐ce que vous avez fait, ou pas fait, pour qu’il (elle) vous agresse ?" La parole de l’élève et de celle de l’enseignant sont mises au même niveau, ce qui est vécu comme une absence de soutien de la part de sa hiérarchie. L’absence de sanction renforce encore chez les personnels le sentiment d’être abandonnés.
Comme il n’y a aucune alternative pour les élèves ne supportant pas une activité collective, la hiérarchie réagit en exerçant des pressions pour empêcher les enseignants du second degré d’exclure un élève de cours. Elle va pour cela jusqu’à remettre en cause devant les élèves l’autorité de l’enseignant et elle culpabilise : "comment se fait‐il que vous n’arriviez pas à contrôler cet élève ?". Et parallèlement, les exigences sur le niveau général sont maintenues : "il faut vous adapter, le monde change...".
Toutes ces situations sont génératrices de conflits entre enseignants, personnels d’éducation et direction d’une part, qui induisent parfois d’autres conflits entre enseignants et personnels de vie scolaire, voire entre enseignants, conflits qui peuvent avoir des conséquences graves. C’est en effet dans ce genre de contexte que des situations de harcèlement moral peuvent se produire.
Toutes ces situations rendent les personnels de l’Éducation Nationale malades, parfois gravement, parfois même jusqu’au suicide.
Le rôle du CHS‐CT : une expérience dans le Maine et Loire
Les CHS‐CT ont, dans leurs missions, la prévention de la souffrance au travail et du harcèlement moral. Depuis leur mise en place dans l’Éducation Nationale, ils sont d’ailleurs essentiellement saisis de situations relevant de ces Risques Psycho‐Sociaux.
Évidemment, l’administration de l’Éducation Nationale tente par tous les moyens d’empêcher les CHS‐CT de se saisir concrètement de ces situations. Elle souhaite s’en tenir à des discussions générales sur les RPS, mais ne veut surtout pas discuter de cas concrets amenés par les représentants du personnel. Elle refuse en effet toute mise en cause des chefs d’établissement sur ces questions de discipline. Elle préfère donc que ces situations difficiles soient maintenues sous l’éteignoir. Mais le CHS‐CT dispose de prérogatives étendues. S’il s’empare de ces problèmes, il peut contraindre l’employeur à prendre des mesures que ce dernier n’a aucune envie de prendre.
Concrètement, au cours de cette année scolaire, le CHS‐CT départemental du Maine et Loire, qui est compétent pour tous les personnels de l’éducation nationale du département, est intervenu sur plusieurs situations concrètes, essentiellement dans des établissements du second degré. Il a fallu, pour ce faire, recourir à toutes les possibilités qu’offre la loi : droit d’alerte pour les élus au CHS‐CT, droit de retrait pour les personnels concernés, intervention de l’Inspection du Travail.
Celle‐ci est ainsi intervenue à deux reprises pour rappeler au DASEN (Directeur d’Académie) ses obligations en matière de protection des personnels et de prévention de la souffrance au travail et du harcèlement moral.
Récemment, une enseignante d’un Lycée Professionnel du Maine et Loire, agressée par une élève puis contestée par un groupe d’élèves, et désavouée par la direction de l’établissement, a fait valoir son droit de retrait. Les délégués du personnel FSU au CHSCT Départemental, à la demande des sections syndicales CGT‐FSU du LP, ont alors usé de leur droit d’alerte pour imposer une enquête dans l’établissement, devant être effectuée, conformément aux textes, par des représentants de l’administration et des délégués au CHS‐CT. La CGT Educ’action n’a pas de représentants au CHS‐CT Départemental de l’Education Nationale du Maine et Loire, mais nous avons pu agir en intersyndicale avec les élus du personnel au CHS‐CT.
L’administration a tout fait, sans y parvenir, pour empêcher la commission d’enquête d’entendre les personnels de l’établissement. Puis elle a refusé de prendre en compte la situation de danger dans lequel se trouvait la collègue. Les délégués au CHSCT ont donc dû imposer, comme le leur permettent les textes, une réunion du CHS‐CT en urgence, en présence de l’Inspection du Travail.
Au cours de cette réunion, il a été établi que cette collègue était fondée à considérer qu’elle était dans une situation de danger grave et imminent pour sa santé. Elle pouvait donc légitimement faire valoir son droit de retrait (sans sanction ni retrait sur salaire pour service non fait).
Des mesures ont par ailleurs été préconisées par le CHS‐CT pour rétablir un minimum de cohérence entre l’action des enseignants et celle de la direction face aux agressions, insultes et incivilités qui sont le lot quotidien dans cet établissement. La mise en oeuvre effective des mesures reste à faire, et là encore la hiérarchie résiste. Les sections syndicales de l’établissement et les personnels doivent encore peser pour obtenir l’application des préconisations du CHSCT, bien que validées par l’inspection du travail. Ils s’appuient d’ailleurs pour cela sur la Commission d’Hygiène et Sécurité (CHS) de l’établissement (émanation du Conseil d’administration) qui elle aussi donne des droits aux salariés.
Vous pourrez trouver en complément de cet article un dossier complet sur cette expérience : le compte‐rendu de l’enquête par les délégués FSU au CHS‐CT, les conclusions l’administration après l’enquête, la délibération adoptée par le CHS‐CT préconisant des mesures, l’avis argumenté de l’Inspecteur du Travail.
Le CHS‐CT et les CHS des établissements : des outils pour l’action syndicale collective
Tous les personnels qui vivent des situations de souffrance au travail, de harcèlement moral, doivent savoir que la loi fait obligation à leur employeur de les protéger et de prévenir ces risques.
Le CHS‐CT, est une instance qui a les moyens de demander des comptes à l’administration sur ces questions et de la contraindre légalement à prendre des mesures de protection de ses personnels et de prévention des risques. Les CHS d’établissement offrent aussi des possibilités dans le même sens aux salariés et aux militants syndicaux, à utiliser avant le CHS‐CT, puis en appui de l’action du CHS‐CT.
La loi n’a jamais suffi à elle seule à protéger les salariés des abus des employeurs, mais quand la loi est de notre côté, elle est un atout dont il faut se servir pour appuyer les actions collectives et revendiquer l’amélioration des conditions de travail.
Le CHS‐CT et les CHS d’établissements sont des outils pour notre action syndicale : à nous d’apprendre à les utiliser !