Des "Assises" pour enterrer l’éducation prioritaire
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Aujourd’hui, la situation de l’éducation prioritaire est dramatique. Les élèves subissent la dégradation de leurs conditions d’étude : classes surchargées, diminution des heures de cours, suppression de moyens pédagogiques (RASED, dédoublements...), diminution des aides sociales, désorganisation des activités éducatives, manque de personnel dû aux suppressions de postes, … Les personnels subissent un dégradation importante des conditions de travail.
Avant des « Assises » interacadémiques qui auront lieu le 27 novembre à Rouen pour les académies de Rouen, Amiens et Paris (?!), des demi-journées de « concertation » sur l’éducation prioritaire se déroulent depuis quelques semaines dans les écoles et établissements.
Cette « concertation » se base sur le rapport « Évaluation de la politique d’éducation prioritaire ». Un des axes essentiels de celui-ci est clairement signifié : « Ne peut-on raisonnablement penser […] que la qualité de la pratique d’enseignement plus que l’effectif permet la réussite des élèves en milieu défavorisé ? » (p. 22).
Vous trouverez ci-dessous une rapide analyse de ce rapport ainsi que des propositions que porte la CGT Educ’action.
Feu sur l’éducation prioritaire
Le jugement porté est à charge : l’EP est présentée comme peu cohérente, sans ligne directrice réelle depuis 30 ans si ce n’est l’augmentation du nombre d’établissements ou d’écoles dans le dispositif. Il met en avant des résultats de l’EP globalement décevants et inégaux suivant les niveaux, académies et réseaux.
Les indicateurs laissent à désirer : maîtrise des compétences de bases en français et maths, en CM2 et 3éme, d’autres la lecture en CM1, l’orientation en fin de 3éme….
Pour proposer leurs leviers d’action, il est à noter que les rapporteurs ne se sont rendus que dans les réseaux qui donnent de bons résultats, ce qui apparaît comme un sacré biais en termes de méthodologie.
Moins de moyens
Forts en maths, les rapporteurs remarquent alors qu’en divisant par deux le nombre d’élèves dépendant de l’EP, on multiplierait par deux les moyens consacrés à ceux qui y resteraient. Il est ainsi clair que la réforme se fera à moyen constant et que la carte de l’EP devra être « resserrée ». Le rapport souligne d’ailleurs que la politique de l’EP devra se focaliser avant tout sur la maternelle et le primaire, et dans une moindre mesure sur les collèges (au prétexte que tout se joue en maternelle et en primaire). Les lycées ne sont jamais abordés dans le rapport (« car ils ne dépendent pas du socle »).
Il apparaît que les établissements sous la moyenne nationale de 40% de catégories défavorisées et 30% de boursiers n’auraient plus vocation à faire partie de l’EP. De plus, le rapport parle de progressivité possible des moyens alloués en fonction de l’écart avec ces moyennes.
Plus de hiérarchie
Le rapport insiste sur l’articulation « pédagogique » (« savoirs et savoirs faire ») et « éducatif » (« savoirs être »). Il estime que les deux ne sont pas suffisamment liés dans notre système et estime que l’existence de la vie scolaire, dans le second degré, fige la distinction et que le partage des tâches dans l’EP doit être repensé. Il partage à ce sujet les conclusions de l’Inspection Générale (IG) sur la « réussite » des préfets des études dans les établissements ECLAIR. Cela signifie la création d’une hiérarchie intermédiaire.
Le rapport met également en avant l’importance des chefs d’établissement, directeurs, IEN, IPR, coordonnateurs, préfets des études. Le rôle « décisif » du chef d’établissement est avancé pour créer un « projet » et une « culture d’établissement ».
Plus de tri social
Au niveau pédagogique, il s’agit de se recentrer autour des « fondamentaux » (oral, maîtrise de la lecture et de l’écrit : ce qui explique l’idée de focaliser les moyens sur l’école), avec un enseignement « centré sur les apprentissages scolaires » ainsi que sur le « socle » et les « compétences fondamentales ». C’est la logique du « socle commun » que nous combattons car il accentue la logique de tri social déjà bien présente.
Des statuts remis en cause
Le rapport propose une attaque en règle contre les conditions de travail des personnels : il propose dans les faits la destruction des garanties des décrets de 1950 avec le développement du temps de concertation et de son intégration dans les services.
Le rapport propose une « souplesse d’utilisation des horaires et des HS par les équipes enseignantes » qui « doit permettre tant sur l’année que sur la semaine de disposer de marges de manœuvre en fonction des besoins des élèves et afin de construire des temps utiles de concertation ». Bref, le remplacement à l’interne (comme de Robien) et l’annualisation des horaires.
Dans la même logique, le rapport défend l’idée de postes à profil « avec des tâches spécifiques », ce qui ressemble fortement à l’actuel dispositif ECLAIR.
Mise en concurrence
Il insiste ainsi sur la nécessité des liens avec les autres institutions (municipalités et départements, police), associations (périscolaire, aide aux devoirs, parents d’élèves…) via des partenariats. Le cadrage national doit en fait consister à aider à l’autonomie des équipes, avec la mise en place d’une « contractualisation spécifique qui porte sur les objectifs et les moyens » et associer les collectivités locales.
La « concertation » ne sert qu’à légitimer la politique de coupes budgétaires poursuivie par le gouvernement.
Il s’agit d’une réflexion à budget constant. Un grand nombre d’établissements et d’écoles risquent de sortir du dispositif, les lycées sont rayés de l’éducation prioritaire, l’importance des effectifs par classe est volontairement minorée.
Sur le pilotage, c’est pire, on a l’impression d’une volonté de faire de l’EP le laboratoire de la politique de libéralisation et de déréglementation que nous dénonçons : contractualisation, autonomie, chefs d’etablissements choisissant les équipes avec les postes à profil, horaires flexibilisés et annualisés, casse des statuts.
Pour maintenir et développer les ZEP La CGT Educ’action revendique
L’urgence est de mettre les moyens nécessaires pour l’éducation, notamment pour maintenir et développer les ZEP. Cela passe par :
► l’abandon de la réforme des rythmes scolaires,
► le recrutement massif de personnel tout en mettant fin à la précarité (titularisation de tous les précaires),
► la baisse significative du nombre d’élèves par classe (15 maximum), et le développement des RASED,
► l’abandon du dispositif ECLAIR, laboratoire de la déréglementation et de la casse des statuts
► la stabilisation des équipes avec le maintien et l’augmentation des primes et des salaires, et la diminution des compléments de services,
► l’affectation de deux CPE, au moins, dans tous les établissements de l’Education Prioritaire et renforcer les équipes de vie scolaire par des créations de postes et la consolidation des statuts (retour à un vrai statut d’étudiant-surveillant)
► le renforcement des équipes de santé et de service social (un-e assistant-e social-e / établissement prioritaire, un vrai réseau de médecine scolaire)
► la baisse du temps de service des enseignants pour permettre la concertation volontaire entre équipes et favoriser un meilleur suivi des classes et des élèves,
► le maintien des statuts des certifiés / agrégés (définis par les décrets de 1950) et des PLP, tout particulièrement à un service défini exclusivement en terme d’heures d’enseignement fixées au niveau national et assorties de maxima hebdomadaires,
► les tâches autres que l’enseignement doivent rester librement consenties, donner lieu à des décharges fixées selon des critères nationaux, mais en aucun cas être intégrées dans les obligations réglementaires de service car cela conduirait à une dénaturation du métier d’enseignant et à un alourdissement du service,
► la mise en place d’une formation initiale et continue de qualité,
► le développement de vrais moyens pour mettre en place la réelle gratuité,
► le retour à une véritable carte scolaire pour assurer la mixité sociale,
► la mise en place de critères sociaux objectifs pour classer ou non les établissements dans l’éducation prioritaire
► un système national de péréquation budgétaire compensant les défaillances et les inégalités entre collectivités territoriales
► la scolarisation effective des enfants de moins de trois ans dans des conditions adaptées
► une prise en charge des élèves non-francophones par des enseignants spécialisés, et la mise en place d’un accueil spécifique des élèves non-lecteurs en école et en collège