Vous avez dit emploi d’avenir professeur ?
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Interview d’un Emploi d’Avenir Professeur de l’Académie de Rouen
(Agglomération de Rouen)
1- Tu fais partie des premiers EAP recrutés il y a de cela deux ans et quelques mois dans l’académie. Comment as tu décidé d’être EAP ?
En effet, je suis devenu EAP en avril 2012, suite à une candidature déposée en mars. J’étais en fin de Licence 2 et je ne savais pas exactement ce que je voulais mais mon premier choix était la recherche.
Des le début de l’année 2012, une campagne de recrutement d’EAP a commencé et en tant qu’étudiant boursier, je recevais constamment des mails m’incitant à postuler. Je me suis décidé à envoyer ma candidature (après environ cinq-six mails) sans grande conviction.
En recevant un avis favorable, je me suis immédiatement rendu au rectorat en pensant passer un entretien mais on m’a juste informé de mon affectation dans mon établissement. En dix minutes, je suis devenu EAP sans vraiment prendre conscience et sans savoir comment j’allais gérer cette situation.
J’ai donc pris les devants en contactant l’établissement où j’étais affecté et à ma grande surprise, le collège (principale) n’était pas au courant de ce dispositif. J’ai rencontré ma tutrice et me suis présenté mais à aucun moment (rectorat ou établissement ) mes compétences linguistiques -anglais entre autres- ont été vérifiées.
2- Comment se sont déroulées tes deux premières années d’emploi d’avenir professeur dans l’établissement ?
Une semaine après ma visite dans mon établissement, j’ai commencé mon contrat de 12h. Bien évidemment, le stress du jeune étudiant qui va pour la première fois côtoyer des professeurs était palpable. A ma grande joie et surprise, mes collègues m’ont accueilli et intégré dès le début malgré les nombreuses interrogations sur mon statut. Je me suis de suite senti intégré et à l’aise tant avec les élèves qu’avec le personnel de l’établissement.
La première année était l’année-test car personne ne savait vraiment ce que je devais faire : observer, avoir des groupes ou tout simplement faire du soutien et de la vie scolaire.
Par contre, l’année de L3 fut très enrichissante. Ma tutrice est très impliquée dans mon épanouissement depuis le tout début et fait très attention à ce que j’apprends chaque jour. J’ai suivi plusieurs classes tout au long de l’année car mon emploi du temps à la fac me le permettait. Je ne faisais plus de soutien ou autre et je consacrais mes 9h par semaine dans une salle de classe à faire un vrai travail d’apprentissage du métier de professeur.
J’ai également eu la chance de suivre d’autres professeurs dans des projets autres que ma matière.
C’est cette deuxième année en tant qu’ EAP qui m’a permis de comprendre que ma vraie passion était l’enseignement dans le secondaire .
3- Est-ce la même situation pour les autres EAP que tu connais ? Quels genres de missions leur sont attribués ?
J’ai souvent l’impression d’être un EAP très chanceux. Je ne suis pas un extra dans le collège alors que certains camarades qui ont continué après la L2 ne font pas du tout les pratiques accompagnées. La plupart d’entre eux ne font que du soutien ou de l’observation. Certains ne font que deux à trois heures par semaine sans rendre de compte .
Sur un forum, une jeune femme expliquait qu’elle n’avait aucun tuteur. Cette année 2014 va être très compliquée car maintenant on arrive au stade où il n y a pas assez de tuteurs et les EAP ayant eu des avis favorables se retrouvent à faire du porte-à-porte pour d’abord trouver un tuteur qui accepterait de les prendre et ensuite appelle l’établissement.
4- Tu approches de la fin de ton cursus universitaire, comment se passe ta rentrée en Master 1 à l’ESPE ?
Mon début de Master s’annonce très difficile à ma très grande surprise. Je pensais que le statut EAP était pris en compte dans l’élaboration des plannings mais en fin de compte, notre statut est totalement ignoré par les ESPE qui ont beaucoup de travail avec les stagiaires (j’ai reçu un mail aujourd’hui pour savoir si j’avais ou étais dans la capacité d’ effectuer au minimum 40 h d’observation et pratique pour être dispensé du stage. Bien évidemment ce mail renforce ma conviction que certaines personnes ne comprennent pas tout car si on cumule les deux années précédentes, il est évident que le minimum de 40h est dépassé ). On nous a tout simplement conseillé de démissionner de notre poste car le programme était beaucoup trop chargé mais personne ne se demande pourquoi nous continuons .
Dans chaque filière, il y a souvent une journée consacrée au stage en fin de semaine mais les autres jours sont consacrés aux cours. L’EAP doit par conséquent jongler entre l’ UFR, l’ESPE et son établissement dans la même journée. Pour un grand nombre d’étudiant, les journées commencent à 8h et se terminent à 18h du lundi au vendredi avec une pause d’une heure qui laisse le temps de se rendre dans un nouveau lieu. Il faut donc avoir une organisation quasi militaire pour être sûr de réussir ses études.
5- Quel bilan tires-tu aujourd’hui de ton embauche et des possibilités de faciliter l’accès au métier d’enseignante en étant EAP ?
D’un point de vue personnel, le statut EAP m’a ouvert les yeux sur ce que je voulais faire après mon Master. C’est un très bon moyen de mêler la théorie à la pratique et d’être sur le terrain au contact d’enseignants titulaires et d’élèves. Au fil des semaines, on gagne en confiance et en maturité. La chose la plus importante pour un EAP est d’avoir un tuteur, une personne qui nous guide, qui nous corrige, qui nous félicite quand il le faut et qui nous signale quand ça ne va pas.
Malgré ces avantages, l’organisation de ce programme est chaotique. Il n y a pas assez de suivi de la part du rectorat , les ESPE ne se sentent pas concernés alors que les EAP apportent un plus en expliquant à leurs camarades non-boursiers la vie d’enseignant sur le terrain.
Pour en finir, le dernier problème qui se pose concerne l’après-EAP (si il ne réussit pas son CAPES). En effet, en M2, il est impossible pour un étudiant de postuler donc plus de bourse de service public et plus de salaire. Pour ma part, j’ai démissionné de mon contrat étudiant dans une boutique qui m’assurait du travail pendant mes cinq ans d’études mais l’an prochain je me retrouverai avec une bourse de 250 euros sans allocation chômage car bien évidemment un étudiant ne peut pas prétendre aux allocations.
En conclusion, l’EAP est un très bon moyen pour découvrir le métier d’enseignant mais aussi un piège car si l’étudiant réalise qu’il n’est pas fait pour ce métier, il sera tout de même dans l’obligation de passer le CAPES afin d’éviter le remboursement total ou partiel de la bourse de service public.