Le mirage de l’interdisciplinarité
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Le gouvernement nous explique depuis des semaines que les collégiens s’ennuient et qu’il faut mettre en place la prétendue "interdisciplinarité" pour donner du sens aux enseignements et faire progresser les élèves.
Sans être opposé à l’interdisciplinarité (des projets mis en oeuvre par des enseignants volontaires sont de réelles réussites), nous ne pouvons que nous opposer à l’extension (et à l’amplification) au collège de "pédagogies" style TPE qui sont un échec total.
Nous publions ci-dessous des extraits d’un article de Slate qui cite des chercheurs en sciences de l’éducation sur la question de l’interdisciplinarité.
Mais pourquoi la réforme se présente comme celle qui aboutira a plus d’efficacité via l’interdisciplinarité ? Pourquoi même y avoir recours ? Sur quelles bases scientifiques peut-elle être défendue ? Pourquoi serait-elle plus égalitaire ?
En fait, des chercheurs qui ont étudié le sujet pensent carrément le contraire. Aucun ne prône en revanche l’interdisciplinarité comme méthode efficace de lutte contre les inégalités, problème majeur contre lequel la réforme doit lutter.
Voici ce que nous explique Elisabeth Bauthier, chercheuse au laboratoire Escol de Paris VIII et qui a observé les travaux personnels encadrés, soit l’interdisciplinarité telle qu’elle a été pratiquée au lycée :
« L’interdisciplinarité ne s’attache pas à des disciplines mais davantage à la manière dont on traite les savoirs, permettent de comprendre le monde dans sa complexité. Mais c’est plus long et ça prend plus de temps. »
Mais, plus grave : ce type de pédagogie renforcerait les inégalités :
« Ce que nous avons observé, depuis quelques années, c’est que les meilleurs élèves tirent un avantage supplémentaire de ce genre de dispositif. Les entrées par thème favorisent les élèves qui savent construire un texte ou une réflexion en cherchant dans différents domaines. Ils naviguent entre les savoirs. C’est une tâche sophistiquée qui laisse les plus faibles sur le bord de la route. Avec la généralisation de telles méthodes les écarts vont se creuser. »
En éducation on parle de « prérequis ». Ce qu’il faut savoir pour être un bon élève sans forcément l’avoir appris à l’école : le vocabulaire et la culture qui font les bonnes copies mais aussi une manière de réfléchir attendue par le professeur mais parfois expliquée nulle part.
L’universitaire s’inquiète aussi, expérience à l’appui, de la qualité des contenus :
« On risque de rendre l’enseignement plus superficiel, c’est un danger… »
Stéphane Bonnéry, chercheur en sciences de l’éducation qui travaille également sur les implicites scolaires note que les projets interdisciplinaires qu’il a pu observer sont souvent trop savants ou trop simplistes, peu accessibles ou sans intérêt...
Il ressort des travaux de ces chercheurs qu’en interdisciplinarité, les élèves doivent faire des liens, des connections qui paraissent évidentes aux adultes cultivés qui enseignent mais qui sont neuves pour certains d’entre eux parce qu’ils ont peu de bagage culturel. Les enseignants doivent passer un temps fou à expliquer ce lien même qui doit s’appuyer sur les disciplines mères qui sont peut-être elles même fragilisées par le temps qu’on leur prend. Il en ressort un savoir isolé et assez précaire.