Contre la réforme du collège, cheval de Troie de la flexibilité, GREVE et MANIFESTATIONS le 11 JUIN
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Manifestation académique à Rouen : 10h au Rectorat / Assemblée générale : 11h à la Maison des associations (rue Dumont d’Urville, entre la préfecture et la fac de droit)
Au-delà de l’agitation politico-médiatique, la réforme du collège constitue une attaque sans précédent contre les conditions de travail des personnels.
Comme hier les IDD, comme actuellement les TPE, les « enseignements d’exploration » et l’accompagnement « personnalisé » (AP) en LP et lycée général, les futurs EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires) et l’AP prévus par la réforme sont des outils pour diviser les personnels et ainsi les rendre plus flexibles (plus corvéables à merci !)
Cette fois-ci, la réforme va plus loin. Les horaires des EPI et de l’AP seront retirés des horaires d’enseignement de chaque professeur y participant ! Pas en plus. Ainsi un enseignant d’histoire-géographie faisant 1h d’AP en 5ème ou un EPI n’aura plus que deux heures par semaine d’enseignement de ses disciplines en classe au lieu de 3h. C’est une baisse drastique. Et à ceci s’ajoute une organisation extrêmement difficile ne permettant pas de moduler les groupes ni les effectifs selon les difficultés des enfants... Tout se fera le plus souvent en classe entière vu le peu de création de postes prévus (un demi par collège en moyenne).
Le chef d’établissement aura par conséquent aussi un pouvoir accru en décidant des EPI, des modalités de l’AP... ainsi qu’avec les 20% d’autonomie de chaque établissement. Il pourra (en partie) choisir dans quelle discipline un enseignant devra compléter son service ou sera victime d’une suppression de poste.
Ces nouveautés n’ont rien de pédagogiques, ce sont des paramètres d’ajustement pour la gestion des ressources humaines qui permettront de substantielles économies budgétaires.
Les enseignants en sous-service vont devoir compléter avec des EPI et de l’AP, y compris avec des classes qu’ils n’ont pas. Des élèves pourront, par exemple, avoir un professeur de français pour assurer l’enseignement de la discipline et un autre pour la partie français d’un EPI, voire un troisième pour faire du soutien (en classe entière !) dans le cadre de l’AP.
Un autre levier pour flexibiliser vise directement les professeurs de technologie, de SVT et de Physique-Chimie : l’EIST, l’enseignement intégré des sciences et techniques. Le professeur d’une discipline pourra (et devra car on connaît le volontariat made in Éducation nationale) enseigner les deux autres, pour lesquelles il n’est pas qualifié. On risque de rapidement constater que des établissements vont offrir de la technologie (complètement dénaturée) à des élèves faibles et de la physique-chimie aux meilleurs. De plus, là encore, le chef d’établissement pourra choisir, en cas de baisse des moyens horaires, qui assurera l’EIST et donc qui ira compléter ou perdra son poste.
Toutes les nouveautés introduites par la réforme – EPI, AP, EIST, EMC – ne vont en rien aider les élèves. Une partie d’entre eux est déjà depuis des années en vigueur au lycée, certains sous d’autres acronymes (TPE et ECJS). Ils n’ont eu pour résultat que de déstructurer l’enseignement en multipliant les intervenants et en faisant perdre tout sens à certaines heures de « cours ». Comme on le voit,
il y a peu de pédagogie dans ce projet et beaucoup de management. L’objectif n’est pas d’assurer une quelconque réussite pour les élèves mais il est purement comptable et technocratique.
Trop peu, trop tard ?
Après la publication du décret par Vallaud-Belkacem, la CGT Educ’action Haute-Normandie a plaidé pour une réponse rapide à cette provocation. Nous souhaitions un appel à une nouvelle journée de grève, dès la fin du mois de mai. Malheureusement, l’intersyndicale nationale a décidé d’une date tardive. Cependant, il est indispensable de réussir la journée du 11 juin en étant massivement en grève dans les collèges pour répliquer au gouvernement. Partout, les personnels doivent se réunir en assemblée générale pour décider des suites. Pour la CGT Educ’action Haute-Normandie, il est encore possible de stopper la réforme en construisant dans les établissements une grève jusqu’au retrait.
Le mirage de l’interdisplinarité
Le gouvernement nous explique depuis des semaines que les collégiens s’ennuient et qu’il faut mettre en place la prétendue « interdisciplinarité » pour donner du sens aux enseignements et faire progresser les élèves.
Sans être opposé à l’interdisciplinarité (des projets mis en œuvre par des enseignants volontaires sont de réelles réussites), nous ne pouvons que nous opposer à l’extension (et à l’amplification) au collège de « pédagogies » style TPE qui sont un échec total.
Les chercheurs qui travaillent sur la question de l’interdisciplinarité ont montré que celle-ci non seulement ne réduit pas les inégalités scolaires, mais qu’elle les aggrave.
Elisabeth Bauthier, chercheuse au laboratoire EScol de Paris VIII et qui a observé les travaux personnels encadrés au lycée déclare : « Ce que nous avons observé, depuis quelques années, c’est que les meilleurs élèves tirent un avantage supplémentaire de ce genre de dispositif. Les entrées par thème favorisent les élèves qui savent construire un texte ou une réflexion en cherchant dans différents domaines. Ils naviguent entre les savoirs. C’est une tâche sophistiquée qui laisse les plus faibles sur le bord de la route. Avec la généralisation de telles méthodes les écarts vont se creuser. »
Stéphane Bonnéry, chercheur en sciences de l’éducation, note que les projets interdisciplinaires qu’il a pu observer sont souvent trop savants ou trop simplistes, peu accessibles ou sans intérêt...
Toujours plus « d’autonomie » pour les établissements, toujours plus de caporalisation pour les personnels !
L’autonomie des établissements, mise en avant comme une liberté pédagogique des équipes au bénéfice des élèves, est en réalité celle du seul chef d’établissement. C’est en effet près de 20% de la dotation en heures d’enseignement qui sera laissée au libre choix du chef d’établissement, dans le cadre d’un contrat d’objectif (selon la terminologie libérale appliquée à l’école), généralisant de fait la concurrence entre les disciplines et les enseignants.
Pour les élèves et leur famille le terme d’autonomie rimera avec mise en concurrence et perte des garanties d’égalité d’accès aux services publics, aux enseignements, à l’orientation choisie. Cette réforme remet en cause, en partie, le caractère national de l’enseignement et des programmes. C’est un nouveau pas vers une territorialisation, qui fait suite à celle du primaire avec la mise en place des rythmes scolaires et à la régionalisation de l’enseignement supérieur.
C’est un atout essentiel pour la déréglementation des conditions de travail des personnels, avec un rôle toujours plus accru de la hiérarchie, rôle également renforcé avec la disparition des garanties contenues dans les décrets de 1950.
Une réforme de gauche ?
Malgré la démagogie de la droite qui attaque une réforme qui n’est que la reprise au collège de celle qu’elle a menée en lycées professionnel, général et technologique, certains politiciens et « penseurs » de droite ont – eux ! – au moins l’honnêteté de le reconnaître et de saluer cette réforme.
C’est le cas du directeur de la très libérale officine patronale, Institut Montaigne. Il écrit dans Les Echos (7 mai 2015) :
« Il faut que le gouvernement tienne bon sur le principe, qu’il a souhaité mettre en avant, de permettre aux établissements de disposer d’un volume équivalent à 20 % des enseignements pour accompagner les élèves les plus en difficulté en petits groupes ou de bâtir des enseignements pluridisciplinaires. Ce n’est certes pas la fin du collège unique, mais c’est un coin solide enfoncé dans un dispositif beaucoup trop monolithique. C’est le cœur des annonces qui ont été faites par la ministre… et elles devraient réjouir tous les militants de l’autonomie des établissements d’enseignement secondaire. C’est à ce titre qu’elles effraient les bastions syndicaux les plus conservateurs. »
C’est également le cas d’Alain Madelin qui, dans Le Point (20 mai 2015), apporte son soutien au gouvernement :
« J’ai suffisamment défendu le principe de l’autonomie des établissements dans ma vie politique, parfois avec des ministres de gauche, pour me réjouir de l’introduction d’une petite dose d’autonomie à l’intérieur de l’enseignement, fût-ce 20 % de l’emploi du temps, et dans des conditions un peu rigides. […] Je ne crois qu’en une seule chose : l’enseignant, sa créativité et sa liberté pour lui permettre de produire une école meilleure, mais aussi plus juste. Je souhaiterais même qu’on aille beaucoup plus loin avec de vrais établissements autonomes tenus par des équipes d’enseignants volontaires, au moins dans les zones défavorisées où les enfants sont enfermés dans des écoles ghettos qui sont un scandale permanent. »
Enfin, la réforme est saluée par Laurence Parisot (BFM TV, 19 mai), ancienne présidente du Medef (l’organisation patronale a voté pour la réforme lors du Conseil supérieur de l’éducation) :
« La réforme met en avant des principes très intéressants, très novateurs, très modernes. Il faut faire cette réforme »