L’apprentissage comme « filière d’excellence » ? Une imposture de plus !
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Depuis des années, les gouvernements successifs font de l’apprentissage la filière d’excellence de la formation professionnelle initiale. Mais qu’en est-il réellement ?
Apprentissage et pédagogie
En matière pédagogique, l’apprentissage s’appuie sur une démarche d’enseignement qui permet au jeune de confronter (soi-disant !) en permanence les questions que lui pose sa pratique dans l’entreprise à l’apport des disciplines fondamentales, comme les maths ou le français.
C’est un mode de formation dont l’essence même consiste à mettre le jeune en situation de faire des allers et retours entre les disciplines fondamentales (exit les formations culturelles et citoyennes) et la pratique technique ou managériale dans l’entreprise.
Apprentissage : un mieux disant dans l’insertion professionnelle ?
L’apprentissage serait aussi une réponse au chômage des jeunes. Avec près de 400 000 jeunes de moins de 25 ans au chômage, la France aligne des performances qui se situent en dessous des autres pays européens.
Le contrat d’apprentissage est un contrat de travail par lequel l’employeur s’engage, outre le versement d’un salaire, à assurer à un jeune une formation conduisant à l’obtention d’un diplôme reconnu. Si parfois, l’apprentissage permet une élévation du niveau de compétences, dans la plupart des cas, cette méthode de formation ne permet pas de s’inscrire dans le parcours professionnel de l’individu. En effet, L’intérêt de l’apprentissage réside simplement dans l’insertion professionnelle collée aux intérêts de l’entreprise d’accueil. Ce mode de formation ne permet pas, à posteriori, à un jeune de pouvoir se construire au travers de l’obtention d’une réelle expérience professionnelle adaptable auprès d’autres acteurs du marché du travail.
L’apprentissage porte aussi en elle la violence quotidienne du marché du travail et de la société en général. Signer un contrat d’apprentissage avec une entreprise, c’est adjoindre sa scolarité à la volonté de l’entreprise de conserver ses employés, à la capacité de survie de l’entreprise, durant tout le temps de sa formation… C’est s’exposer à un mode de recrutement souvent discriminatoire dans lequel l’origine sociale sert parfois de facteur d’exclusion, justifie officieusement le refus d’embauche du patron. C’est parfois faire l’expérience précoce du chômage et de l’asservissement au monde économique à un moment où l’essentiel devrait être la recherche de qualification (Un apprenti sur quatre quitte l’entreprise avant la fin de son contrat, le corollaire est l’absence de qualification et le décrochage scolaire).
Des chiffres qui en disent long…
Une analyse de l’évolution quantitative de l’apprentissage ne peut se faire que sur l’année en cours moins un. Avec une chute vertigineuse de 13,7% lors des 4 premiers mois de l’année 2014, le seuil des 250 000 contrats n’avait pas été atteint. Même au plus fort de la crise de 2009, la chute n’avait pas excédée 3,4%. Avec la baisse de 8,14% en 2013, passant de 297 295 contrats en 2012 à 273 091, le gouvernement et le patronat continuent à faire le forcing comme si rien ne se passait.
Depuis 7 ans, quelles que soient les politiques successives menées, les contrats n’ont jamais franchi le cap des 300 000 alors que l’objectif final annoncé dans le pacte pro entrepreneurial dit « de responsabilité » du gouvernement, est de 500 000 d’ici 2017. Si l’on y ajoute les 23,5% de ruptures de contrats dans l’année civile, on peut se demander ce que deviennent ces jeunes.
Pourtant les dépenses pleuvent pour promouvoir ce mode de formation. Des campagnes de communication (octobre 2014), à la création d’une fondation à l’innovation pour le développement de l’apprentissage (FIPA)…, le budget dédié à l’apprentissage ne semble pas connaître les déboires de l’austérité quasi généralisée à l’ensemble des dépenses de l’Etat.
Dans son budget 2014, la Région Haute Normandie annonce une augmentation de 3 % de ses frais de fonctionnement due notamment au budget dédié à l’apprentissage (76,37 Millions d’euros, 70,79 Millions d’ d’euros à la formation professionnelle, 43,09 Millions d’ d’euros à la formation sanitaire et sociale). La répartition de ce budget tend à se redistribuer inversement dans le projet de budget 2015 (74,78 Millions d’euros pour l’apprentissage, 79,4 Millions d’ d’euros à la formation professionnelle, 44,14 Millions d’ d’euros à la formation sanitaire et sociale).
Pourquoi ?
Peut être parce que les entreprises ne jouent pas le jeu,qu’elles n’embauchent pas, malgré les dépenses et les aides apportées, la quantité d’apprentis « contractée » avec la Région (baisse de 8% du nombre de contrats signés sur l’année 2013/2014, tendance qui se prolonge en 2014/2015). Et ce, malgré la prime de 1000 € accordée aux entreprises de moins de 250 salariés qui embauchent un apprenti pour la première fois ou qui accueillent des apprentis supplémentaires, cumulée pour les entreprises de moins de 11 salariés avec la prime à l’apprentissage de 1000 € adoptée en 2014.
Peut être aussi parce que le développement de l’apprentissage repose sur un tissu économique fiable et stable ? Ce qui n’est pas la caractéristique actuelle de celui de la Haute Normandie qui subit la crise de plein fouet.
Les objectifs cachés du patronat
En voulant accueillir plus de 60 000 apprentis dans l’EN d’ici 2017, par la mixité des publics, le gouvernement met à mal une fois de plus la formation sous statut scolaire. Afin d’arriver à cet objectif, le ministère veut lever certains « obstacles » qui sont un frein :
mise en adéquation des règles de gestion administratives et financières dans les EPLE
refonte de la procédure d’orientation en intégrant un vœu apprentissage
En voulant légitimer l’apprentissage au sein de l’EN, et en s’appuyant sur le levier de la mixité, le gouvernement permet au patronat d’avoir la mainmise sur le système global de la formation professionnelle initiale. Il est avéré que le patronat ne veut pas s’arrêter en si bon chemin. Son objectif est de casser le système global existant afin de créer dans tous les centres de formation un système regroupant le scolaire et leur conception de l’apprentissage. Dans ce « vivier » le patronat, au gré de l’investissement ou non du jeune, pourra rechercher celui qui est le plus performant et rejeter celui qui est en souffrance.
Si au cours de sa formation, l’apprenti est en délicatesse avec l’entreprise, il sera prié de réintégrer le scolaire, et le chef d’entreprise « avisé », pourra alors en choisir un autre. Nous nous orientons vers une formation professionnelle de type « Kleenex » en développant à terme, la formation – emploi – certification. Dans ce schéma, les professeurs deviennent des formateurs adaptables à toutes les situations d’élève, les classes des déversoirs à effectif variable, la progressivité des savoirs et la pédagogie n’ont plus cours. L’annualisation du temps de travail devient la règle. Le transferts du corps des PLP aux Régions et la transformation de leur statut le moyen d’y parvenir.
Non à la mixité des publics et des parcours
En exigeant la mixité des parcours et des publics, le patronat noyaute le système de l’intérieur et amène progressivement les lycées professionnels à devenir des outils au service de la logique financière.
C’est pour cette raison que nous devons dire NON au développement à tout crin de l’apprentissage, à la mixité des publics et à toute forme de remise en cause de nos missions et statuts.
A la CGT éduc’action, nous nous battons pour un enseignement professionnel sous statut scolaire de qualité, qui dispose de moyens tant humains que matériels satisfaisants et qui permette la réussite de tous et de toutes.