30 ans du bac professionnel : Intervention CGT Educ’action

(Colloque de Lille 17, 18 et 19 nov 2015)
mardi 8 décembre 2015
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La CGT a été favorable, dès 1985, à la création du baccalauréat professionnel. Depuis toujours l’objectif d’augmenter le niveau de qualification professionnelle des ouvrier-e-s et employé-e-s a été est celui de notre confédération.

Notre exigence s’accompagnait d’une autre exigence, celle d’une vraie reconnaissance des personnels de la voie professionnelle.
Notre statut devait être à égalité avec celui des personnels des voies générale et technologique, en termes d’obligations de service et de rémunérations.

Notre revendication était alors « PLP, personnels de lycée à part entière » A partir de 1985 et l’arrivée du bac pro, c’est ce processus qui s’est enclenché.
La mise en place du baccalauréat professionnel a donc été une période de réelle valorisation de la voie professionnelle, de ses élèves comme de ses personnels.

Une quinzaine d’années après, au début des années 2000, le ministère de l’Education a lancé une expérimentation, dans un petit nombre d’académies, permettant à certains élèves de bac pro de présenter le baccalauréat après un cursus de 3 ans, au lieu du classique parcours en 4 ans, 2+2.
Cela ne concernait qu’une minorité d’élèves.
La CGT ne s’est pas opposée à cette expérimentation, des enseignants-e- de la CGT s’y sont d’ailleurs engagé-e-s. L’analyse de la CGT était qu’une partie de ces élèves était en effet capable de réussir en 3 ans et que pour eux la poursuite d’études en BTS leur serait facilitée.

Mais cette expérimentation ne concernait pas la totalité des futurs bacheliers pro de l’académie. Il y avait eu une sélection parmi les élèves sortant de 3e de collège.
Les premiers éléments de bilan avaient mis en évidence ce fait-là.
Que 20 ou 30 % d’une cohorte puisse réussir, c’était effectivement possible mais en rien l’expérimentation ne permettait de dire que la totalité des futurs bacheliers pouvait en faire de même : impossible de réussir en 3 ans au lieu des 4 ans habituels pour une majorité d’entre eux

C’est pourquoi la CGT a refusé, avec d’autres organisations syndicales comme la FSU, le SNALC, FO ou Solidaires de signer le protocole présenté par Darcos en 2007.

Ce protocole, qui généralisait à partir de 2009, pour tous les élèves, le parcours en 3 ans était présenté comme un alignement sur le parcours des deux autres voies menant au baccalauréat et donc comme un processus revalorisant la voie professionnelle.
Il y a eu dès le départ tromperie.
La réalité est que cette réforme était mise en place par le gouvernement pour réaliser des économies budgétaires en raccourcissant la durée de formation d’une année pour des milliers d’élèves.
Il fallait certes augmenter le nombre de bacheliers mais accroître l’accès des élèves de BEP aux classes de bac pro, sans toucher au cursus 2 + 2, c’était forcément augmenter le nombre d’emplois de PLP.
Impossible en 2008, sous la présidence Sarkozy dont le leitmotiv était le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux lors du départ en retraite.

Pour la première fois, une modification d’ampleur allait à contre-courant du processus historique d’allongement de la scolarité des élèves s’engageant dans la voie professionnelle.
En effet dans les années 80 le CAP, alors obtenu en 3 ans après la 5è, correspondait à 5 ans d’études secondaires, le BEP, 2 ans après la 3è, s’obtenait lui après 6 ans de scolarité et enfin le Bac pro sanctionnait 8 ans d’études secondaires. En 2009, pour les bacheliers professionnels ce processus s’est inversé.

Aujourd’hui en 2015, le constat est bien celui d’une augmentation sensible du nombre de bacheliers pro depuis 2009. C’était mécaniquement prévisible, d’après les flux concernés. Encore fallait-il que les taux de réussite puissent être suffisants.
Il fallait donc modifier le niveau réel d’exigence au moment de la certification. C’est ce que le ministère a décidé en 2009 en généralisant également le Contrôle en Cours de Formation. J’y reviendrai.

Nous devons nous interroger : le baccalauréat professionnel de 2015 est-il au même niveau d’exigence professionnelle que celui de 1985 ou de 1995 ? Aucune vision passéiste dans ce questionnement.
Pour les PLP qui peuvent en témoigner, mais aussi pour les employeurs qui peuvent les recruter, comment affirmer par exemple que le bac pro Gestion Administration de 2015 est d’un niveau équivalent à celui du baccalauréat comptabilité ou secrétariat délivrés 20 ans plutôt ?

Il y a les évolutions technologiques qui font que les savoirs, les compétences ne sont pas identiques. Mais cela n’empêche pas de dire clairement que la suppression d’une année entière de formation s’est accompagnée d’une amputation des contenus de formation et d’une baisse de niveau impossible à masquer.

Les taux de réussite sont assez bons, voire meilleurs, et avec un nombre de candidats supérieur. N’est-ce pas là la preuve que notre critique de la réforme Darcos est injustifiée ?

Non, pour la CGT son opposition à cette réforme, opposition qui demeure intacte, est au contraire tout à fait confortée par la réalité du terrain.

Je n’ai développé qu’un aspect de la réforme de 2009, celui du parcours, en 3 ans au lieu de 4. Mais il y a d’autres aspects que nous avons dénoncés dès 2009.
Ils permettent de comprendre pourquoi l’affichage des résultats au bac pro ne sont en rien contradictoires avec notre analyse.
En même temps qu’il généralisait le contrôle en cours de formation, le CCF, le ministère créait également une épreuve de « rattrapage » -qui n’existait pas précédemment- dont les conditions de mise en œuvre permettent d’améliorer sensiblement le nombre de reçus-e-s.
L’existence d’une épreuve de rattrapage peut légitimement se discuter mais les conditions dans lesquelles elle se déroule ne sont, malgré quelques ajustements, toujours pas satisfaisantes.

Avec les CCF, les enseignants sont à la fois formateurs mais aussi évaluateurs certificateurs de leurs propres élèves. Si les ambitions des programmes du baccalauréat professionnel de 2009 sont à peu près au même niveau que celles du précédent baccalauréat, la réalité de ce qu’il est possible d’atteindre parmi les objectifs annoncés était, et reste, tout autre.

Mais à cela aucune conséquence immédiate sur le taux de réussite à l’examen du baccalauréat professionnel car un enseignant n’interrogera pas lors d’un CCF, qu’il a lui-même construit, ses élèves sur une partie du programme qu’il n’a pu traiter, par manque de temps !

Lorsque l’on connaît les pressions que peuvent subir des enseignants pour garder à leur établissement un taux global de réussite acceptable, souvent lié à la pérennité des formations, il n’est pas surprenant d’observer les statistiques actuelles.

Le nombre de bacheliers de 2015 ne permet donc pas d’affirmer que la réforme de 2009 est une réussite, loin de là.
Interrogeons nos collègues de classes de BTS, qui accueillent les bacheliers pro pour des poursuites d’études, pour connaître leur appréciation sur le niveau réel des bacheliers professionnels depuis la réforme du bac pro en 3 ans.

Cette interrogation est aussi celle de nombreux employeurs qui ne retrouvent pas dans les actuels bacheliers le niveau de compétence professionnelle qui était le leur dans le cursus BEP / Bac pro en 4 ans. Cela ne s’explique pas par le seul manque de maturité d’élèves plus jeunes.
Il serait intéressant d’avoir au niveau national, et peut-être en fonction des filières, le ressenti du côté des employeurs qui recrutent au niveau IV.
On ne peut dissocier, dans notre réflexion sur les évolutions en cours dans la voie professionnelle, le nombre de diplômés de la valeur réelle de leurs diplômes.

La réforme, en réduisant d’une année la formation et en augmentant le nombre de bacheliers, a comme effet de pousser les élèves de la voie pro à une poursuite d’études. C’était prévisible et la poursuite d’études est une bonne chose. Encore une fois, cela correspond à notre exigence d’élévation du niveau de qualification.

En permettant réellement deux années de poursuite d’études en BTS, on remettrait la voie professionnelle sur le bon chemin, celui d’un processus continu d’une durée de scolarisation et de formation en augmentation.

Mais comment les sections de BTS peuvent / doivent-elles évoluer pour accueillir cet afflux de bacheliers professionnels dont, nous le savons, le niveau de professionnalisation a baissé depuis la réforme ?

En instaurant les CCF dans les sections de BTS, comme il a commencé à le faire, le ministère ne cherche-t-il pas, comme il l’a fait avec le bac pro, à casser le thermomètre pour ne pas mesurer des taux de réussite inquiétants ?

Pour la CGT, il faut garder une vraie valeur au baccalauréat professionnel, il faut garder une vraie valeur au BTS et cela doit passer par un niveau d’exigence identique à celui d’avant la réforme et un mode de certification sans dérive possible.

La réussite d’un parcours en BTS pour un-e élève de bac pro, cela peut se traduire, par exemple, par la mise en place de classes d’adaptation, avec des modules spécifiques, voire une année entière préparatoire ou d’adaptation à l’entrée en BTS.

Attribuer un diplôme, baccalauréat ou BTS, ne suffit pas en soi à résoudre le problème de l’insertion professionnelle. Il faut que l’obtention de ces diplômes représente une réelle qualification et sa reconnaissance par tous, jeunes, salarié-e-s comme employeurs sans équivoque.

Je terminerai cette contribution en n’abordant que très rapidement deux autres aspects de la réforme : l’accompagnement personnalisé et les PFMP.

Pour la CGT Educ’action, il est souhaitable que les élèves de bac pro accomplissent des PFMP, mais la durée de celles-ci est aujourd’hui trop importante. Nous voulons les PFMP à 16 semaines au lieu des 22 semaines aujourd’hui.

Les conditions dans lesquelles elles se déroulent ne sont pas satisfaisantes dans beaucoup de cas, bon nombre de tuteurs et de chefs d’entreprise ne sont pas formés à l’encadrement des PFMP.
Nous le constatons malheureusement tous les jours, pour certains employeurs l’accueil de ces jeunes représente plus une aubaine pour faire tourner l’entreprise qu’une possibilité réelle de formation. La recherche de stages devient pour nos élèves une angoisse devant les difficultés qu’ils rencontrent.

Enfin l’AP, l’accompagnement personnalisé, instauré dans la voie pro en 2009 et largement repris ensuite dans les autres réformes du lycée comme dans celle du collège aujourd’hui ne nous convient pas.
Nous ne sommes évidemment pas opposés au travail individualisé, au plus près des besoins de l’élève. Mais l’AP n’est pas cela.

Les moyens horaires qui sont donnés dans la DHG des établissements ne le permettent pas. L’AP n’est donc alors qu’un prétexte à renvoyer vers le seul élève, voire son enseignant, les raisons de ses difficultés ou de son échec.
Comment peut-on faire de l’AP avec 15 élèves, alors que les dédoublements ont en grande partie disparu et que les volumes disciplinaires ont fondu ?

Je ne développe pas plus, mais il y a avec l’AP une conception libérale de l’Education, qui renvoie à des situations et des solutions individuelles, alors que c’est dans le fonctionnement collectif du groupe classe et des demi-groupes, des effectifs de ces classes, que se situe une bonne partie de la réponse.


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Au sujet des dépenses scolaires…

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Parler de ces frais là, c’est évoquer l’arbre pour cacher la forêt. Les cartables et les compas durent facilement plusieurs années et les vêtements ne me semblent pas être une dépense scolaire : mes filles iraient-elles nues si l’école n’existait pas ? Idem pour la cantine : il faut manger même en dehors de l’obligation scolaire. Admettons pour la garderie des petits. Ce qui m’interpelle, ce sont les frais dont on parle moins et qui pourtant jalonnent bien le parcours scolaire des jeunes.
Lire la suite sur le site de l’Ecole démocratique

Ecole élémentaire : en France, le nombre d’élèves par enseignant supérieur à la moyenne OCDE (Depp)

vendredi 16 août 2013

Selon la revue "L’Éducation natio­nale en chiffres" de la Depp, le taux d’encadrement dans les écoles élémen­taires fran­çaises se situe en des­sous de la moyenne des pays de l’OCDE.
Le taux d’encadrement dans les écoles élémen­taires fran­çaises est en des­sous de la moyenne des pays de l’OCDE, selon la revue "L’Éducation natio­nale en chiffres" éditée par la Depp et parue en juillet 2013.
Dans les pays de l’OCDE, le nombre moyen d’élèves par ensei­gnant était à ce niveau de 15,4, en 2011 contre 18,4 en moyenne en France.

Loire-Atlantique / Rythmes : lettre ouverte des UD CGT, FO, FSU et Solidaires au DASEN et aux 26 maires de Loire-Atlantique appliquant la réforme en 2013

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L’intention gouvernementale affiche une volonté de servir la réussite scolaire des élèves. Nous pensons qu’il y a loin du discours à une réalité qui malmène aussi les personnels concourant aux rythmes éducatifs des enfants. Les campagnes de communication politiciennes ne peuvent dissimuler les malaises grandissant autour de la rentrée 2013 précipitée.
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