La réforme territoriale et les menaces de réorganisation de l’Education nationale
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La loi NOTRe (Nouvelle Organisation du territoire de la République), portant réorganisation de l’État consécutivement à la nouvelle délimitation des régions, aura un impact sur l’organisation de l’Éducation nationale.
Cette loi, approuvée le 16 juillet 2015, vient en complément de la loi MAPTAM (de Modernisation de l’Action Publique Territoriale et d’Affirmation des Métropoles) et de la réorganisation de la carte des régions (loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 et loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015).
Les enjeux de cette loi
Au-delà d’un simple redécoupage territorial et d’une redéfinition des missions de l’Etat, il s’agit de : Mettre en musique la politique libérale voulue par l’Europe en réduisant la place des services publics.
Réduire la dette publique en sabrant les dépenses pour ces services publics
Accentuer la mise en concurrence des territoires et des salariés en livrant les missions de service public à la marchandisation.
Cette réforme va bien au-delà d’un acte III de la décentralisation. C’est une refonte complète de l’architecture territoriale de la République, dans le but de préparer l’Europe des régions afin d’anticiper les stratégies du capital et sa financiarisation. En cela, elle engendre des bouleversements sans précédents.
Cette modification de l’organisation administrative de la France est en droite ligne des modifications apportées par le traité de Lisbonne de 2009, alors même que le Peuple Français avait en 2005 rejeté le traité constitutionnel.
Elle porte en elle une réduction drastique de l’emploi public et de certaines dépenses publiques dans la mesure où la réorganisation bouleverse les lieux stratégiques où se décident les politiques publiques.
Il n’est pas possible de comprendre la réforme actuelle en ignorant les vraies motivations qui l’inspirent. La réforme territoriale met en œuvre les exigences des différents traités européens afin de réduire le rôle de l’intervention publique, mettre en concurrence les régions et privatiser des activités aujourd’hui réalisées par le service public.
L’exclusion des citoyens et singulièrement celle des salariés et de leurs organisations syndicales durant l’élaboration de la loi est une de ses caractéristiques majeures. C’est à l’image du déficit démocratique entourant les finalités, le contenu et la mise en œuvre des politiques publiques à l’échelle européenne, nationale et territoriale. Si cette loi confirme la suprématie des régions et des métropoles, l’Etat – via les Préfets de région notamment - reste un acteur majeur dans les territoires.
La réorganisation des missions, des compétences et des prérogatives des institutions concourant à la puissance publique, la place attribuée de fait au patronat et à ses représentations dans la définition des politiques publiques, la primauté accordée au secteur privé dans la mise en œuvre de l’action publique esquissent un nouveau modèle de développement économique et social ainsi qu’une refondation des rapports et des droits sociaux et salariaux. L’économie générale de cette loi confirme la primauté accordée aux considérations économiques et à la rationalité gestionnaire. Les dimensions sociales et d’aménagement des territoires des politiques publiques résulteront des options économiques.
La cohérence entre le sens de ces réorganisations « institutionnelles », l’affaiblissement des droits et garanties collectives du salariat (actifs-privés d’emploi-retraités ; salariés du privé et du public) et la remise en cause de la hiérarchie des normes émergent plus fortement.
Sur un plan politique, la CGT s’oppose à cette réforme. Loin de rompre avec les politiques d’austérité, cette réforme n’apporte pas de solutions à la crise actuelle et tourne le dos aux besoins de la population.
Elle prépare la voie à une réorganisation des services de l’État qui seraient ainsi prêts pour une régionalisation plus complète ultérieurement.
Elle est porteuse d’un objectif de réduction d’emplois publics qui se traduira pour l’Éducation nationale et l’ESR par une « rationalisation » de la carte des services et leur mutualisation (services académiques, CROUS). Ces restructurations administratives se traduiront immanquablement par des suppressions de postes, des mobilités forcées, des redéfinitions de postes, la dégradation des conditions de travail et, en bout de course, la dégradation du service public.
Toutes les administrations ayant une structure régionale sont concernées dès lors que les régions fusionnent : les ARS, la DREAL, la DIRECCTE, les DRAC, les DRAAF, les DIR…
Dans de nombreuses situations, les personnels sont soumis à des mobilités fonctionnelles ou géographiques pour répondre aux postes du nouvel organigramme mis en place par les services sous la houlette des préfets de région. Partout dans les régions les discussions se précisent et les plans « sociaux » se profilent.
Mais cette réorganisation, qui semble ne pas affecter la population, va bien plus loin qu’on ne le pense : même les organisations les plus anodines sont concernées : par exemple les ligues régionales de football qui vont fusionner et générer des suppressions de postes… C’est donc bien l’usager, le citoyen qui va payer la note en bout de course, par un éloignement de plus en plus prononcé des instances qui régissent son quotidien, quand il ne perd pas son emploi !
La réorganisation dans l’EN
Il existe aujourd’hui 22 régions métropolitaines et 30 rectorats. Avec la réforme territoriale, le nombre de régions passera de 22 à 13. Cela ne peut que « conduire inéluctablement à une nouvelle réflexion sur le découpage des rectorats académiques ». Le gouvernement se montrait pour le moins évasif en affirmant, dans le même temps, que « l’organisation [de l’État] coïncidera avec les 14 futures régions. » mais que « le périmètre des circonscriptions académiques ne sera pas nécessairement affecté par les modifications du périmètre des régions ».
Pour la CGT, ces affirmations de principe masquent bien mal les véritables intentions du gouvernement qui sont la continuation de la politique d’austérité.
Dans 9 régions, un recteur coordinateur qui a en charge, en concertation avec les organisations syndicales, d’« élaborer un projet d’organisation inter-académique, pouvant aller de dispositifs de coopération renforcée à une intégration conduisant à une fusion d’académies. » a été nommé.
Par ailleurs, les inspections générales de l’EN et de l’ESR ont rendu, en mai 2015, un rapport sur l’impact de la loi dans leur domaine.
Ce rapport reste un rapport circonstancié et très prudent. Il se prononce pour un passage, en métropole, de 26 à 20 académies sans toutefois se prononcer très clairement sur ces académies, sur les hypothèses de travail et les scénarios envisagés. Le Premier ministre a rendu sa décision fin juillet. Aucune académie ne sera fusionnée pour l’instant. Mais par nécessité d’une coopération forte entre les académies quand les régions sont pluri-académiques : création d’une nouvelle circonscription administrative : la région académique à la tête de laquelle ont été nommés les « super-recteurs ». Pendant les vacances, le Ministère s’est donc attelé à la rédaction d’un décret fixant les attributions de ces nouveaux super-recteurs. Ce décret a été présenté aux organisations syndicales en octobre et au CTM début novembre. C’est le premier ministre qui arrêtera définitivement le texte en décembre. Le « super-recteur » sera l’interlocuteur privilégié du Conseil régional et du Préfet de région sur les missions spécifiques et les attributions des régions. Ces missions seront exercées en coopération avec les autres recteurs des académies de la région. Pour ce faire, mise en place d’un comité régional académique (CRA) semblable au conseil inter académique qui existe déjà en Ile-de-France. Indépendamment de ce décret, la quasi-totalité des académies sera affectée par cette restructuration inédite et de grande ampleur de l’État en région.
Les conséquences
Une proximité sacrifiée
Quelle que soit la forme d’organisation (coopération, mutualisation), l’organisation retenue par les comités de recteurs posera fatalement la question de la proximité ou, dit autrement, de l’éloignement géographique des chefs lieu de région. Les services académiques (rectorats, IA, CIO, IEN) seront affectés quel que soit le scénario retenu. La mutualisation devrait prendre la forme de répartition des grandes activités de gestion entre académies. Le rapport envisage, la gestion des examens et concours sur un site, la gestion des ressources humaines dans un autre. Malgré les propos lénifiants du rapport, on voit mal comment cette répartition des rôles pourrait se faire sans suppression de postes ou mobilité forcée. Des exemples actuels de mutualisation, montrent que cela s’est ou se traduit par des suppressions de postes dans les inspections académiques concernées. Il ne pourra pas en être autrement à plus grande échelle. En tout état de cause, les difficultés de gestion seront aggravées.
Pour l’Éducation nationale, la Cgt revendique
Le maintien de la formation initiale professionnelle sous statut scolaire au sein de l’Éducation nationale. La CGT Educ’action combat l’attribution aux Régions de l’élaboration de la carte de formation et de l’ensemble des moyens.
Le maintien du service et de l’emploi public, en particulier dans les territoires ruraux et les quartiers populaires qui risquent d’être les grands sacrifiés de cette réforme.