Salarié de Sidel en grève pour sauver leurs emplois.
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Sidel, c’est qui et c’est quoi ?
Sidel a été rachetée en 2004 par Tetra Laval, groupe suédois spécialiste du conditionnement dans l’agroalimentaire (eau, jus de fruits, lait) et 21e fortune mondiale, qui regroupe Tetra Pak (emballages carton), Sidel (emballages plastique) et Delaval (équipements pour laiterie).
Dans le domaine de la production des emballages plastique, le site d’Octeville-sur-Mer produit les machines à fabriquer les bouteilles, le remplissage étant basé à Parme en Italie. C’est là que la direction souhaiterait, à terme, rassembler toute la production.
L’usine Sidel d’Octeville-sur-Mer produit en moyenne 200 lignes de fabrication de bouteilles en plastique par an grâce à ses 823 salariés et de nombreux sous-traitants. Les machines qui fabriquent les bouteilles d’Evian ou de Coca-Cola, c’est eux.
Début septembre, la direction annonce un plan de licenciements.
C’est-à-dire 209 suppressions d’emplois et 89 modifications de contrats. Depuis, les syndicats – dont la CGT – sont mobilisés en intersyndicale. Et élaborent, avec les salariés, des propositions alternatives. Pourtant, le site se porte bien : en 2014, il a reversé 22 millions d’euros au groupe Tetra Laval (pour la quatrième année consécutive). Et les salariés ont obtenu 2,5 % d’augmentation de salaire durant les négociations annuelles obligatoires. C’est dire si l’annonce des suppressions de postes a pris tout le monde de court.
Depuis le 4 septembre, l’intersyndicale CGT, CFDT, CFE-CGC et UNSA dénonce les 290 suppressions d’emplois et les89 modifications de contrats. Elle multiplie les actions : débrayages, rassemblements, boycotts des produits Tetra-Pak, concerts, 12 000 tracts distribués aux salariés, 20 000 diffusés à la population.
Sidel, où le salaire minimum de base est de 1 850 euros net mensuel, est bien connu dans la région et chacun sait que ce ne sont pas seulement les suppressions d’emplois chez Sidel qui sont en jeu, mais aussi près d’un millier d’emplois induits.
73 millions d’euros pour la casse sociale.
Guidé par une stratégie financière à court terme, le groupe suédois Tetra Laval vise un plan d’économies de 150 millions d’euros d’ici 2018. « Le PSE va coûter au groupe 73 millions d’euros sur 2 ans », souligne Joao Luca, élu CE et délégué du personnel CGT. « Nous dénonçons cette dépense d’argent pour de la casse sociale ». Mais, la stratégie syndicale ne s’arrête pas à la contestation. « La direction avait provisionné 15 jours de grève », ajoute le syndicaliste. « Elle a été déstabilisée par notre approche. »
Une démarche de contre-propositions.
Au-delà de quelques débrayages, les syndicats ont d’abord choisi une démarche de contre-propositions. « Le CE n’avait jamais été consulté sur les orientations stratégiques de l’entreprise, explique Reynald Kubecki, secrétaire général du syndicat CGT et co-secrétaire de l’union des syndicats CGT du Havre. On s’est dit qu’il fallait remettre la balle au centre et, grâce à une action en justice, nous avons obtenu du président du tribunal d’instance du Havre un accord de méthode. Cela nous donne plus de temps pour analyser ce projet de réorganisation et la possibilité de séparer toutes les phases d’information-consultation, contrairement à ce que prévoit aujourd’hui la loi de sécurisation de l’emploi de 2013. Nous sommes concentrés sur les orientations stratégiques du groupe et le livre 2 qui prévoit les suppressions d’emplois ».
Avec les salariés.
Concrètement, les salariés des différents services sont invités à des séances de travail avec leurs IRP pour évaluer ensemble l’impact du projet de réorganisation. « On est partis de leur travail, on reçoit les salariés de toutes les unités – approvisionnements, montage, moulerie, etc. – et, à partir de leur expérience, en face de chaque poste supprimé, on démontre les risques et on propose des alternatives. » Certaines sont prises en compte par la direction, d’autres non. « Mais l’intersyndicale permet de parler d’une même voix à la direction et aux salariés, et de rassembler plusieurs compétences autour de la table, ce qui fait de nous des interlocuteurs sérieux », explique le syndicaliste.
Lundi 14 décembre, les salariés votent la grève.
Bien que quelques emplois (24) aient d’ores et déjà pu être sauvés grâce à l’action syndicale, la direction demeure « inflexible ». Alors, lundi 14 décembre, après trois mois d’une lutte « soft » (appel de la population locale au boycott des produits Tetrapak, interpellation des élus, audience à la sous-préfecture…), les salariés de Sidel sont entrés en grève, répondant à l’appel de l’intersyndicale. Une grève tournante sur les sept bâtiments que compte l’usine d’Octeville, administratif compris.
« On en bloque deux ou trois par demi-journée, ce qui mobilise entre 150 et 200 salariés à chaque fois, et suffit pour faire cesser l’activité », explique Raynald Kubecki qui se félicite du taux de participation des salariés « autour de 90 % » selon lui. À l’appel de l’union locale, les syndicats CGT de l’agglomération havraise ont apporté leur soutien en étant physiquement présents dès le lundi matin. Tous les jours, jusqu’au 23 décembre, les salariés rassemblés en assemblée générale ont reconduit la grève et organisé un piquet de grève qui a empêché le fonctionnement de l’usine. L’Union Départementale CGT a apporté son soutien aux grévistes dès le début du mouvement.
Soutien syndical et populaire.
Raynald Kubecki : « Beaucoup de syndicats apportent leur soutien logistique, financier, moral. C’est très important pour nous cette présence sur les piquets aux côtés des salariés de la boite ». « Tous les commerçants d’Octeville jouent le jeu. Chaque matin et chaque soir ils nous apportent des denrées alimentaires. Le boulanger nous apporte le soir ses invendus. Et ça se propage même de l’autre côté de l’eau, à Honfleur ».
Suspension temporaire de la grève et blocage du site à la rentrée.
Le 23 décembre s’est tenue une assemblée générale importante car elle devait décider des suites de la grève pendant les fêtes de fin d’année. Il y avait 600 salariés et près de 100 personnes pour les soutenir (dockers, Dresser, EDF, UL Dieppe, UL Harfleur, CGT Educ’Action, FRALIB....). Les salariés étaient déterminés sur les suites à donner à la lutte même s’ils ont voté à 91% la suspension de la grève. Ils ont aussi annoncé le blocage du site pour la rentrée. La détermination des salariés reste très forte alors même que la direction s’est vu contrainte de descendre à 111 licenciements au lieu des 209 initialement prévus. Mais le compte n’y est pas. La mobilisation fortement suivie et portée par la CGT et la CFE-CGC revendique toujours « zéro licenciement ».
La CGT Educ’action apporte bien entendu tout son soutien à cette revendication : défendre les emplois chez Sidel, c’est aussi défendre les emplois des sous-traitants, des commerçants et des services publics de la région. On pourrait demander aux collectivités locales et à l’Etat d’intervenir auprès de la direction de Sidel pour qu’elle renonce aux licenciements. Mais on imagine mal le premier ministre prendre fait et cause pour des salariés. Et les précédents ne suscitent pas l’optimisme.
Nous devrons sans doute nous investir, dans la mesure de nos moyens, auprès des salariés de SIDEL et pousser vers une mobilisation interprofessionnelle suffisamment puissante pour contraindre la direction de Sidel à stopper le désastre social dont elle est responsable.