Parcours d’une famille « sans-papiers » : Les Erdene à Maromme.
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Les Erdene sont arrivés de Mongolie 2010. Après un court passage dans la région parisienne, ils sont arrivés en Normandie. Mal conseillés par les passeurs et craignant d’être renvoyés dans leur pays d’origine, ils sont arrivés sous une fausse identité. Les parents sont tous les deux couturiers et ont décidé de fuir leur pays d’origine à cause de la misère qui y régnait. Ils sont partis avec leur fille ainée, Nana et la maman enceinte de presque 9 mois. Elle a accouché de Hulan, leur deuxième fille, peu après leur arrivée à Rouen.
Ils ont déposé une première demande d’asile et ont été hébergés dans un logement CADA (Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile) de France Terre d’Asile à Maromme et leur fille aînée a été scolarisée à l’école Delbos de Maromme.
Leur demande d’asile a été refusée mais ils ont pu déposer une deuxième demande pour cause de vice de procédure et les parents ont ainsi été deux fois déboutés du droit d’asile. A partir du moment où ils ont été déboutés du droit d’asile, FTA a commencé les démarches pour leur demander de quitter leur logement comme stipulé dans le contrat de logement de FTA (les familles s’engagent sans aucune autre solution de logement de quitter l’hébergement s’ils sont déboutés du droit d’asile). La famille est restée dans l’appartement à Maromme et deux autres enfants sont nés, Telmuun et Telmuleen. La sœur de M. Erdene, sans-papiers elle aussi, les a rejoints.
En juin 2016, un comité de soutien s’est créé autour d’enseignants du collège Alain à l’initiative de militants de la CGT Educ’action du collège. La famille a aussi pris contact avec le RESF Agglo de Rouen et avec leur aide a pu constituer un dossier de demande de titre de séjour pour vie privée et familiale. Pour cela, il leur a été conseillé d’être en règle avec l’Etat Civil. Les démarches pour rectifier les papiers des parents et de Nana ont été entamées, plus facile puisqu’il suffisait de demander des actes de naissance en Mongolie. Cela a été plus ardu pour les trois petits nés en France car le changement d’Etat Civil est cher et le comité de soutien a collecté les fonds nécessaire pour cela.
Entre temps, France Terre d’Asile (FTA) poursuivait ses demandes d’expulsion du logement que la famille occupait indûment depuis qu’elle avait été déboutée du droit d’asile (sans aucune solution de relogement, rappelons-le). Par deux fois, le Tribunal Administratif a empêché FTA d’expulser la famille mais à sa troisième tentative, FTA a obtenu gain de cause.
Voilà comment le 30 mars 2017, à un jour de la fin de la trêve hivernale (les logements CADA n’y sont pas soumis), alors que les parents étaient à leur cours de Français, que les enfants étaient à l’école ou au collège et que la tante était au CHU (enceinte du dernier mois et atteinte d’une hépatite), un huissier, mandaté par FTA, à la demande de la Préfecture et accompagné de la Police Nationale, a procédé au changement des serrures. Tous leurs effets personnels ont été déménagés dans un box à Dieppedalle. Lorsque M. et Mme Erdene sont rentrés chez eux, ils ont trouvé une affiche placardée sur ce qui avait été leur porte d’entrée. Elle leur signifiait qu’ils étaient sous le coup d’une expulsion de logement. Ils se sont retrouvés dehors avec pour toute consolation 4 nuits d’hôtel payées grassement par la Préfecture à … Rouen, rue d’Amiens. Ils se sont retrouvés à la rue - avec ce qu’ils portaient sur eux.
Le comité de soutien qui s’était étoffé depuis la rentrée 2016 de du collège Alain, de l’école Delbos, de la FCPE, du Secours Catholique et du soutien de la mairie de Maromme, a soutenu la famille, dans l’urgence, comme il a pu. Une aide logistique a été mise en place : covoiturage de l’hôtel à Maromme pour que les enfants puissent poursuivre leur scolarité, dons de nourriture, habits (pour le premier soir), du nécessaire de toilette, etc.
Une fois les quatre nuits payées par la Préfecture passées, le comité de soutien a réuni les fonds nécessaires pour 7 nuits supplémentaires. La mairie, le Secours Catholique, la Maraude de Rouen ont proposé des bons alimentaires et de quoi manger. Deux rassemblements ont été organisés, un devant la mairie de Maromme et l’autre devant les locaux de France Terre d’Asile à Rouen. A chaque fois la presse a été conviée et des articles ont été écrits médiatisant la situation précaire dans laquelle se trouve la famille. Le comité est aujourd’hui toujours aussi motivé et mobilisé pour soutenir la famille.
La prochaine étape est de demander une audience à Madame la Préfète, principale responsable de cette situation. La famille va se retrouver sans toit à partir de jeudi 13 avril après une mise à l’abri de 3 jours (assurée par Carrefour des Solidarités : renouvelables toutes les 2 à 3 semaines, ce qui montre à quel point on manque d’hébergement d’urgence sur l’agglomération de Rouen. Les Erdene devront faire le 115 pour espérer avoir un abri, mais cette solution est au jour le jour avec aucun moyen d’être hébergé pendant la journée. Pourtant, ce sont les vacances scolaires, pas de cantine, pas d’école, avec 4 enfants dont le plus jeune n’a que 4 ans et un bébé (la tante ayant accouché depuis d’une petite fille).
Cette situation est celle des Erdene à Maromme. C’est aussi celle plusieurs autres familles sur toute l’agglomération de Rouen. Des enfants (nos élèves) se retrouvent à la rue avec des parents dont la seule faute consiste à être maintenus en situation irrégulière par la Préfecture qui s’assoit sur le droit à un logement convenable. Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a mis l’accent sur le caractère universel du droit à un logement convenable, en insistant sur le fait que ce droit s’applique à tous les enfants sans distinction ni restriction d’aucune sorte (voir Convention relative aux droits de l’enfant, articles 16-1 et 27) et interdit qu’un enfant mineur soit sans toit. La Préfecture, elle, ne fait rien pour trouver des solutions de logement aux familles qu’elle expulse. En effet, selon l’Etat, une personne déboutée du droit d’asile n’a rien à faire en France. Si elle reste malgré tout, la politique de la Préfecture de Rouen consiste à l’empêcher de mener une vie décente et à l’inciter à partir.
Notre société ne fait pas de quartier.
Une société qui accepte qu’un garçon de 4 ans se retrouve, du jour au lendemain, sans la sécurité de ce qu’il croyait être sa maison. Une société où une élève de 3ème s’apprête à passer le Brevet des Collèges en passant chaque soir d’un foyer à un autre, d’une mise à l’abri à une autre. Une société qui met les familles dehors en leur accordant généreusement 4nuits d’hôtel pour toute situation d’avenir. Une société, où malgré tout, la solidarité existe encore, où l’entraide fait chaud au cœur, où l’on essaie malgré tout de croire qu’un monde plus solidaire est possible.
La CGT Educ’action, là où elle est présente, est prête à participer aux Comités de Soutien qui se forment. Elle est prête à leur apporter son aide et ses conseils avec le RESF et le DAL de l’agglomération de Rouen. La CGT Educ’action milite pour la régularisation des parents d’élèves et des lycéens majeurs sans papiers.
Avec le comité de soutien, la CGT Educ’action revendique :
Un logement stable pour la famille Erdenne.
Un titre de séjour vie privée et familiale pour les parents.