Molière, état des lieux d’une école-usine, 3 ans après...
par
popularité : 6%

Une visite du CHSCT départemental aura lieu dans l’école le 22 juin. Face aux représentants de la DSDEN qui, comme d’habitude, nieront la dégradation des conditions de travail, nos collègues ne manqueront pas de se faire entendre. L’article qui suit a été rédigé par nos camarades PE du secteur havrais.
Depuis la création, au Havre, de l’école Molière en 2014, les enseignants n’ont cessé de dénoncer les conditions de travail qui sont les leurs. Ce grand ensemble, tout neuf, mêle 8 classes en maternelle et 10 classes en élémentaire en REP+. Ce sont plus de 430 élèves qui sont ainsi accueillis dans l’école. Depuis 3 ans, beaucoup de collègues ont quitté l’école et ce, notamment, à cause des conditions de travail. De l’équipe de départ, il ne reste que 6 enseignants, 3 en maternelle, 3 en élémentaire, sur les 14 postes que comptait l’école lors de sa fusion.
Récemment, « le conseil des maîtres » s’est réuni pour évoquer les conditions de travail dans l’école. Une liste des dysfonctionnements a été rédigée. Sa lecture est évocatrice, elle permet de pointer avec précision les raisons pour lesquelles une telle école-usine ne peut être compatible avec des conditions d’apprentissage et d’enseignement « bienveillantes » et sereines.
Quelques exemples parmi les plus emblématiques :
Une école primaire, c’est mêler maternelle et élémentaire c’est à dire deux écoles qui n’ont pas le même rythme, les mêmes particularités et cela les fragilise l’une et l’autre.
Problèmes de communication entre collègues (pas assez de temps pour se réunir, obligation de passer par les mails le soir), surcharge de travail pour la directrice, pour les enseignants, tout se fait dans l’urgence. La taille de l’école trop importante pour accueillir les élèves et leurs familles en REP+ de façon sereine. Il arrive que les parents reportent leurs angoisses sur les enseignants par des agressions verbales, car ils ne se sentent pas en sécurité dans cette école trop grande.
Il n’y a pas de salle des maîtres suffisamment grande pour que les 24 enseignants puissent se réunir.
Il y a en revanche une autre salle des maîtres en maternelle, elle est grande et peut contenir au moins les enseignants de la maternelle pour leurs réunions. Mais cette salle est occupée par le directeur de site, nommé pour la mairie.
La liste est encore longue. On pourrait citer le manque d’escaliers pour que toutes les classes puissent circuler sans accrocs, le manque d’espace pour pratiquer les activités physiques et le manque de toilettes pour les élèves.
Tous ces dysfonctionnements sont à l’image de ce que les enseignants dénonçaient dès la première heure.
Depuis le début, la CGT-Educ’action se mobilise pour dénoncer la création de cette école primaire. Le CHSCT départemental viendra visiter l’école au mois de juin. Une occasion pour les enseignants de continuer à se battre pour leurs conditions de travail auprès de la hiérarchie qui n’a de cesse de minimiser les difficultés qu’ils vivent au quotidien.
Il est temps de prendre conscience que l’âge des élèves est incompatible avec des effectifs comparables à ceux d’un collège. Il est temps de cesser de louer la beauté de cet ensemble architectural car sous le vernis, la souffrance est palpable.
Les enseignants de l’école continuent de demander la scission de l’école et donc la création d’un second poste de direction. Mais une autre inquiétude demeure : comment travailler avec de tels effectifs, dans un quartier qui n’a pas fini sa mue et qui voit arriver toujours plus de familles très jeunes dans les logements nouvellement livrés ?
Les dysfonctionnements de l’école dans son ensemble les escaliers : un seul pour 10 classes en élémentaire (les croisements complexes des rangs avec 3 services de récréation...), un seul escalier étroit qui génère des tensions en maternelle (on imagine le flux des familles lors des entrées et des sorties, les attentes pour faire monter une classe quand une autre doit descendre...)
les espaces pour les activités physiques : comment faire 45 minutes d’activités physiques par jour avec une seule salle de motricité pour 8 classes ? Impossible. Comment faire du sport pour les 10 classes d’élémentaire, sans salle de sport, sans accès à un gymnase et avec 3 services de récréation pour réduire la violence ? Impossible.
le temps méridien : les élèves demi-pensionnaires sont trop nombreux ; en maternelle, les ATSEM n’ont pas le temps d’accompagner les plus jeunes de façon sereine car il faut enchaîner les services ; en élémentaire, les conflits sont quotidiens sur le temps méridien, les enseignantes sont confrontées aux difficultés et prises à partie par les familles qui tiennent les enseignants pour responsables.
Le directeur de site nommé par la mairie : un directeur municipal ?
Il se présente lui-même comme le directeur du Pôle Molière. Et dernièrement, il a assisté à l’ensemble du conseil d’école aux côtés de la directrice. Ceci laisse place à une réelle ambiguïté : nulle par le mot « école » n’apparaît sur le bâtiment ni même dans le quartier sur les panneaux. C’est le « pôle » qui prime. Serait-il donc le directeur municipal de l’école ? La mairie reste floue sur ce sujet. Serions-nous déjà bien en marche vers la municipalisation des écoles ? C’est à craindre.
Il y a une salle des maîtres en maternelle, elle est grande et peut contenir les enseignants de la maternelle pour leurs réunions. Mais cette salle a été réquisitionnée par la mairie et elle est occupée, justement, par le directeur de site. Pourtant son bureau pourrait être installé dans la partie « famille » et donc municipale du bâtiment. Mais ce n’est pas le cas. Il est actuellement situé au cœur de l’école maternelle. Il lui arrive de recevoir des personnes extérieures à l’école, sur le temps scolaire. Les enseignants voient circuler des personnes qu’elles ne connaissent pas, sans savoir si ces personnes sont « invitées » ou non. La mairie du Havre précise que le directeur de site a toute sa place au sein de l’école puisqu’il gère le personnel municipal. Or sur le temps scolaire, c’est à la directrice que revient cette prérogative.
Ces dispositions en disent long sur le projet sous-jacent de la mairie du Havre avec le consentement de la Direction Académique d’opérer un glissement de l’éducation nationale vers l’éducation municipale.