Apprentissage : mythes et réalités
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A lire et à télécharger en pièce jointe, le 4 pages de notre union nationale sur l’apprentissage et l’envers du décor. A diffuser largement auprès de nos collègues afin de préparer la mobilisation.
« Si l’école faisait son travail, j’aurais du travail », le slogan du MEDEF a donné la tonalité de cette rentrée. Le gouvernement ouvre une grande réforme de la formation et de l’apprentissage, pilotée par le Ministère du Travail, et la voie professionnelle sous statut scolaire est dans la ligne de mire.
Le programme présidentiel de Macron sur la voie professionnelle était alarmant avec un projet annoncé d’instaurer « un quasi-monopole de l’alternance comme voie d’accès aux emplois de qualification moyenne. ». Dans son dossier de presse de rentrée, l’Association des Régions de France, annonce ses demandes : continuer à développer l’apprentissage au sein de l’enseignement public, faciliter la possibilité de faire exercer les enseignant·e·s à la fois en voie scolaire et en apprentissage notamment par la convergence des statuts, expérimenter des regroupements lycées professionnels et CFA.
L’institut Montaigne, ce lobby ultra-libéral dont on connaît les proximités avec le ministre Blanquer, dans une note publiée le 9 octobre 2017, dénonce la coexistence des voies statut scolaire et apprentissage et prône un transfert des PLP aux Régions. On le constate la voie professionnelle et ses personnels sont dans le collimateur.
Une campagne médiatique de promotion de l’apprentissage est lancée. Derrière cette attaque contre les lycées professionnels et le service public d’éducation, ce sont aussi les qualifications et les diplômes, leurs contenus et leur contrôle par l’État qui sont remis en cause et renvoyés aux seules organisations patronales.
Pourtant, dans la réalité, l’apprentissage n’est pas plus efficace que la voie scolaire, l’apprentissage coûte plus cher. C’est donc bien un choix idéologique, la volonté de donner les pleins pouvoirs au patronat sur la formation professionnelle qui guide cette marche forcée vers le tout apprentissage ! Pour la CGT, l’apprentissage est une voie complémentaire, mais ne doit pas être en concurrence. La CGT Éduc’action, en lien avec les structures interprofessionnelles de la CGT, défendra la formation professionnelle sous statut scolaire et ses personnels.
La voie scolaire : l’exigence de la réussite pour tou-te-s !
L’apprentissage est souvent présenté comme une solution pour les élèves en difficulté. Il y a un a priori idéologique selon lequel le monde de l’entreprise réussirait là où l’école échoue.
1 apprenti.e sur 5 ne termine pas sa formation !
Pourtant, le taux de rupture de contrat d’apprentissage est très élevé. En Ile-de-France, il est de 24 % en moyenne, il atteint jusqu’à 35 % pour les contrats de niveaux CAP ou Bac pro, voire 40% de taux de rupture de contrats dans les filières du bâtiment ou de l’hôtellerie par exemple.
40% des ruptures de contrat sont liées aux conditions de travail : non formatrices ou en inadéquation avec la formation suivie (13%), le ressenti d’un non-respect de la personne dans son travail (8 %), des exigences de productivité non supportées (5%), les horaires excessifs ou inadaptés (4%)… Un constat plutôt inquiétant… Ce n’est pas tellement étonnant si on note que 13% des entreprises déclarent accueillir des apprenti·es comme un supplément de personnel et 6% pour les avantages financiers du dispositif.
Une voie discriminatoire
Le sociologue Gilles Moreau fait le constat que « (…) l’apprentissage accueille toujours aussi peu de filles (30 %) et très peu d’enfants issus de l’immigration. Du coup, c’est le lycée professionnel qui se trouve en charge de former ces deux populations dont on sait combien l’insertion professionnelle est plus difficile. ». Les discriminations à l’embauche se retrouvent à l’entrée en apprentissage.
L’apprentissage une meilleure voie d’insertion ?
Le meilleur taux d’insertion professionnelle des apprenti·es est souvent mis en avant. Cette meilleure insertion professionnelle est en grande partie liée à une différence de recrutement entre l’apprentissage et la voie scolaire. Les taux d’insertions ne tiennent bien évidemment pas compte du 1/5 des apprenti·es qui ne terminent pas leurs formations. Sur le long terme, l’insertion des élèves de la voie scolaire devient meilleure.
La voie scolaire : une meilleure voie de réussite à l’examen
En 2014, le taux de réussite au CAP (secteur agricole compris) diffère selon le statut. Les candidat·es l’ayant passé sous statut scolaire ont mieux réussi l’examen : 85,4 % contre 83,3 % pour les candidat·es ayant le statut d’apprenti·e.
Pour développer l’apprentissage : l’austérité n’existe pas !
Les pouvoirs publics dépensent sans compter : dispositifs d’exonération de cotisations sociales, création de postes de « développeurs » pour trouver de nouveaux contrats, primes à l’embauche des apprenti·e·s : 1000€ en Ile de France, 2000€ en Nouvelle Aquitaine, campagnes publicitaires...
L’apprentissage coûte plus cher que les LP, par exemple, la région Ile-de-France dépense :
• 773,9 millions pour 514 096 lycéen·nes
• 208 millions pour 81 000 apprenti·es
Soit 1 505€ par lycéen.ne et 2567€ par apprenti·e
Mixité des parcours et des publics : attention danger !
La voie pro au secours de l’apprentissage : La « mixité » des publics
Depuis des années, le nombre d’apprenti·es diminuait, en dépit de politiques volontaristes des pouvoirs publics. Par exemple, la mise en place du Bac Pro 3 ans a aussi eu des effets négatifs sur le nombre d’apprenti·es. Le cycle d’un baccalauréat professionnel en trois ans rencontre de grandes difficultés pour se déployer sous contrat d’apprentissage. En 2008, 14 % des jeunes qui entraient en première année de baccalauréat professionnel étaient des apprenti·es. Ils/elles ne sont plus que 9 % en 2011. On veut utiliser les lycées pour sauver l’apprentissage.
C’est le sens du développement de la « mixité des parcours », les élèves commencent leurs for-mations sous statut scolaire, le plus souvent la 1ere année puis, une partie de la promotion passe en apprentissage. Les Rectorats parlent aussi de « sécurisation des parcours » à travers des classes à public mixte (apprenti·es et élèves), les LP ne sont alors présentés que comme un filet de secours pour les ruptures de contrat d’apprentissage.
Les rectorats prônent, par ailleurs, « l’utilisation des places vacantes en lycée pour l’accueil d’apprentis » c’est une vision comptable, totalement déconnectée des réalités pédagogiques.
Mixité des publics : menace sur le statut des PLP
En octobre 2016, les Inspections Générales ont publié un rapport intitulé « Comment développer l’apprentissage dans les lycées professionnels ». Ce rapport préconisait une extension de la mixité des par-cours (alternance d’années de formation sous statut scolaire et de périodes en apprentissage) et de la mixité des publics (accueil dans une même section de jeunes sous les deux statuts). Il veut faire de l’apprentissage une « composante naturelle » des établissements technologiques et professionnels...
Le rapport menace clairement le statut des PLP. Les obligations réglementaires de services, hebdomadaires, sont perçues comme un « problème ». Il propose tout simplement de les casser en faisant en sorte que l’on ne distingue pas la quotité de service effectuée en direction d’élèves ou d’apprenti·es, via « un conventionnement à reversement du CFA vers l’État de la partie des salaires correspondante ».
Mixité des publics : un outil de tri social
Dans la logique des « parcours mixtes », la 1ere année est utilisée comme un outil de tri social. Les meilleurs éléments partent en apprentissage, les élèves les plus fragiles restent dans la voie scolaire. Dans les classes mixtes, on peut imaginer les rivalités entre les jeunes que peut créer une situation où certain·es sont payé·es et d’autres pas.
Mixité des publics : une aberration pédagogique
La logique de « classe mixte » est une aberration pédagogique. Apprenti·es et élèves n’ayant pas les mêmes durées en entreprise, comment l’enseignant·e peut-il/elle construire une progression pédagogique si le groupe classe n’est jamais le même ? Toujours dans le rapport « Comment développer l’apprentissage dans les lycées professionnels », les obstacles pédagogiques à la mixité des publics étaient balayés d’un revers de manche. Méprisant le savoir-faire des enseignant·es de la voie professionnelle du lycée, le rapport préconise une « professionnalisation des acteurs en termes d’ingénierie pédagogique ».
La CGT revendique
La CGT combat cette politique idéologique du tout apprentissage. Elle défend l’enseignement professionnel sous statut scolaire qui est ouvert à toutes et à tous sans aucune discrimination. Elle défend le statut des PLP (refus de l’annualisation, de toute régionalisation…).
A l’opposé des logiques de régionalisation, qui développent les inégalités territoriales, la CGT revendique l’accès à un service public de qualité, qui doit être financé de manière égalitaire sur l’ensemble du territoire. La formation professionnelle initiale ne doit pas être tournée uniquement vers l’insertion professionnelle immédiate. Elle doit donner accès à une culture générale et une culture professionnelle de qualité, garantie d’évolution à long terme Elle doit offrir, à égalité avec les autres voies, des possibilités de poursuites d’études.
Une revalorisation réelle de la voie professionnelle, cela nécessite la restitution de tous les moyens supprimés par des années d’austérité. La CGT se bat pour l’intégration des lycées dans l’Education Prioritaire.
La possibilité de diversifier les parcours des élèves dans la voie professionnelle pour retrouver 4 ans de formation pour ceux et celles qui en ont besoin.
Des passerelles avec des moyens pour permettre les parcours diversifiés des jeunes au sein des trois voies du lycée.