PLP : et si on parlait conditions de travail ?
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Paroles de PLP
La CGT éduc’action a organisé un stage de formation syndicale spécial lycées professionnels les 7 et 8 décembre à Rouen. Ce fut un moment d’échanges riches, constructifs et combatifs. Quoi de plus précieux en effet que la parole des PLP pour dire le réel de notre travail ? Nous proposons donc un petit tour d’horizon de la situation dans les LP de l’académie, en s’appuyant sur le vécu des collègues. La parole est aux PLP.
Télécharger le 4 pages académique PLP du 15 décembre en PJ.
Violence scolaire dans les LP : la partie émergée de l’iceberg
Les nombreux cas de violence dans les LP relatés par les collègues présents au stage nous ont malheureusement confirmé ce que nous percevions déjà : les situations de violence scolaire qui font parfois les titres de la presse ne constituent que la partie émergée de l’iceberg.
Et ce qui frappe, c’est que les personnels ne sont pas toujours soutenus. Certains proviseurs sont très réticents à l’idée de prendre des sanctions à l’égard des élèves violents et refusent régulièrement les conseils de discipline. La défiance à l’égard des enseignants qui se sont fait insulter ou bousculer, comme cela a pu être le cas, est insupportable. Une conséquence de la « bienveillance » érigée en consigne de management, sans doute ? Quand l’institution scolaire ne sait plus comment gérer les innombrables situations de tensions avec les usagers, elle en est réduite à s’abriter derrière l’injonction de bienveillance. Traduire : « pas de vagues » ou pire, « débrouillez-vous ». Inacceptable.
Relations avec la hiérarchie : ça coince
Autre fait marquant à l’issue des échanges avec les PLP, la dégradation des relations avec la hiérarchie. Pas partout, bien sûr, certain.e.s proviseur.e.s sachant rester accessibles et réactifs. Mais la tendance semble profonde.
Beaucoup de PLP pâtissent de l’absence de directions de terrain : « on ne voit jamais le proviseur, il reste enfermé dans son bureau comme dans une tour d’ivoire », dénonce ainsi un enseignant seino-marin. Nombre de proviseurs, mais aussi de DDFPT (ex-chef de travaux), semblent de plus en plus coupés des collègues et incapables de saisir la réalité de nos métiers. Tel proviseur ne vient jamais en salle des profs car sans cesse parti en déplacement.
Le travail en LP nécessite pourtant un inlassable travail de terrain au plus près de nos élèves souvent fragilisés sur le plan social, culturel ou familial.Tel ne semble pas être l’objectif des écoles de management qui forment nos supérieurs...
DHG, AP, EGLS, le grand n’importe quoi
On n’a pas fini de subir au quotidien les conséquences de la déréglementation des horaires de bac pro depuis la réforme de 2009, signée à l’époque par le SNETAA et la CFDT. Non seulement des variables d’ajustement ont été mises en place pour gérer la pénurie (horaires tri-annualisés, heures de groupes calculées en fonction des effectifs attendus avec le Volume Horaire Complémentaire, Accompagnement Personnalisé, EGLS), mais dorénavant, plus grand-monde n’applique les textes. D’abord parce que peu nombreux sont ceux qui s’y retrouvent face à la complexité des calculs de DHG, mais aussi parce que le rectorat ferme les yeux sur les innombrables entorses à la réglementation. Bien des élèves n’ont tout simplement pas leur quota d’heures réglementaires, par exemple en AP (chaque élève devrait avoir 2h30 par semaine, ce qui est loin d’être le cas partout).
Dans certains cas, des établissements réduisent le nombre d’heures élèves pour dédoubler car les cours en classe entière sont trop difficiles à gérer et les collègues ne parviennent pas à faire classe correctement.
Au LP Elisa Lemonnier, les heures d’AP sont rémunérées en IMP (indemnités de mission particulière). Au LP Coubertin/Bolbec, des heures d’EGLS ont été données à des collègues d’enseignement professionnel. EG signifie pourtant Enseignement Général...
Voilà donc ce que ça donne, l’autonomie des établissements sans moyens convenables, chaque établissement bricole dans son coin et comme il y a de moins en moins de cadrage national, il y a de plus en plus d’inégalités. Et de n’importe quoi…
PFMP et CCF, autres enfants terribles de la réforme de 2009
Les PFMP (stages en entreprise, en jargon pédagogique) continuent à poser d’importants problèmes. Pour la CGT, 22 semaines, c’est tout à fait excessif : caser tous les élèves, jongler avec les progressions pédagogiques et assurer le suivi des élèves représente un sacré challenge. La tentation est donc forte chez les chefs d’établissements et les DDFPT d’exercer des pressions sur les collègues dont les élèves peinent à trouver un lieu de stage pour les rendre responsables des difficultés liées aux PFMP. Sans compter l’accumulation des tâches administratives qui incombent parfois aux collègues et qui alourdissent la charge de travail, comme au lycée Val de Seine.
Quant aux CCF, que dire qui n’ait déjà été dit et largement répété ? Inégalitaire, outil pour accroître les taux de réussite artificiellement, alourdissement de la charge de travail, les CCF cristallisent une part du mécontentement. Et posent un problème déontologique car, contrairement à un examen, c’est le même enseignant qui transmet les connaissances, prépare le sujet, planifie la date de passation et évalue ses élèves.
La CGT éduc’action continue à revendiquer à une réduction du nombre de semaines de PFMP, la fin du tout-CCF et le retour à des épreuves d’examen ponctuelles et nationales.
Pour des classes et des lycées à taille humaine
Lors du stage, des collègues ont expliqué qu’il était compliqué de travailler dans un « lycée-usine ». C’est le cas par exemple dans les lycées Flaubert, Val de Seine, Perret-Schumann ou Descartes. Enseigner dans un établissement où il y a 1500, 2000 élèves, voire plus, n’est pas propice à favoriser les contacts professionnels et humains. Sans parler bien évidemment de la communication qui s’en trouve compliquée.
Concernant la taille des classes, il est quasiment impossible d’enseigner avec des effectifs de 30-32 élèves comme c’est très souvent le cas pour les PLP d’enseignement général mais également en enseignement professionnel (technologie, PSE, éco-droit…).
Les études scientifiques les plus rigoureuses l’ont pourtant montré, réduire la taille des classes a un impact positif sur les résultats des élèves. Et sur nos conditions de travail.
La CGT éduc’action revendique des maxima de 20 élèves par classe et de 15 en éducation prioritaire, ainsi que la généralisation des heures de groupes.
Mixité des publics et des parcours : halte à la propagande patronale
Dans plusieurs LP, comme à Vernon, des pressions s’exercent afin d’ouvrir une UFA ou une section en apprentissage. Les collègues expliquent que l’apprentissage est sélectif (sur le plan social, selon le genre ou… la couleur de peau), qu’un apprenti sur 5, voire bien plus dans certaines filières, subit une rupture de contrat en cours de formation, et que mixer des élèves et des apprentis dans une même classe serait très compliqué sur le plan pédagogique et organisationnel. En face, le discours est bien rôdé : l’apprentissage est une voie d’excellence, puisqu’on (les branches patronales, le gouvernement, l’institut Montaigne…) vous le dit. Parole de patron !
Autre exemple : lors d’une formation pour les PLP d’arts appliqués, le corps d’inspection a demandé à une formatrice de GRETA de venir montrer comment on travaille en formation continue, afin de préparer la mixité des publics. La collègue formatrice n’est évidemment nullement mise en cause à travers cet exemple mais la CGT critique la manière dont l’Administration tente par tous les moyens de promouvoir la mixité des publics.
Au LP Fernand Léger, des élèves de niveaux différents sont mixés dans une même classe, sous prétexte d’effectifs insuffisants.
Au LP Descartes, les élèves de chaudronnerie industrielle et d’usinage sont mixés en enseignement général alors que les uns passent le diplôme intermédiaire à l’écrit en fin de première bac pro pendant que les autres passent un CAP à l’oral. Pratique pour préparer l’examen, avec une seule heure de groupe !
Des syndiqués et des « indignés » discriminés
Phénomène inquiétant, la discrimination ou les pressions subies par nombre de militants, mais plus largement par les collègues qui s’indignent de la dégradation de leurs conditions de travail. L’un de nos camarades a reçu par exemple un mail de son proviseur à 23 heures le soir (!) pour une convocation-intimidation à 8h le lendemain matin. Une pétition circule dans l’établissement pour exiger une meilleure gestion. Tel autre représentant du personnel est pris en grippe par la direction : son seul tort est d’être le porte-parole de ses collègues.
Rappelons que la loi interdit et punit la discrimination syndicale et que les lois Auroux de 1982 garantissent la liberté d’expression sur ses conditions de travail. Halte à la discrimination syndicale !
Avec la CGT, parler, c’est bien, agir, c’est mieux
Comme l’a montré ce stage, l’une des vertus du syndicat est d’abord de rompre l’isolement et de se regrouper. Le syndicat permet de ne plus se sentir isolé, ce qui peut être le cas dans des LP où il n’y a pas de collectif syndical organisé et solidaire, ni même parfois d’heure d’information syndicale. A l’issue du stage, une collègue a déclaré : « ça fait du bien de se retrouver avec des gens qui n’ont pas voté Macron et qui se battent ».
Le syndicat a également une fonction très importante d’information et parfois de lanceur d’alerte. A la CGT, nous pensons qu’il faut rendre publics les combats du quotidien, les situations d’injustice, de violences, d’atteintes à nos droits. Cela, il est bon de l’écrire, ce que nous nous employons à faire à travers notre presse, nos tracts, notre site internet. Au quotidien, il ne faut pas hésiter à laisser des traces écrites du réel de notre travail : PV de CA, de CHS, CR de conseils pédagogiques, registres de santé et de sécurité au travail, etc. Ecrire et aussi faire écrire votre hiérarchie : quand un supérieur s’est permis de donner des consignes discutables, écrivez-lui en rapportant ces propos. Cela peut l’obliger à mettre de l’eau dans son vin...
Le syndicat est bien sûr l’outil pour connaître ses droits, les défendre et si possible en gagner de nouveaux. Quelques exemples utiles liés aux situations évoquées plus haut : Droit de se faire accompagner par un collègue de son choix en cas de rendez-vous susceptible d’être tendu. Ne jamais se rendre seul à une convocation et prendre des notes.
Droit d’expression, en lien notamment avec les lois Auroux de 1982 : « les salariés bénéficient d’un droit à l’expression directe et collective sur le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail » (article L2281-1 du code du travail).
Droit et même devoir de signaler des actes et des comportements d’élèves potentiellement dangereux, article 40 du Code de procédure pénale : « Toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l’exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit est tenu d’en donner avis sans délai au procureur de la République [...] » Si un supérieur refuse de faire un signalement, citez-lui cet article.
Mais le plus important reste bien sûr le collectif. Il est ainsi plus aisé de faire respecter ses droits auprès de sa hiérarchie quand les revendications sont portées par un collectif de collègues et après avoir créé un rapport de forces. Ainsi, face à une hiérarchie qui n’apporte pas le soutien attendu, un bon débrayage peut s’avérer très efficace. En témoigne la réaction de solidarité des collègues du LP des Andelys qui ont débrayé l’an dernier après la mise en cause par la hiérarchie d’un collègue, dans le cadre d’un conflit avec un élève. Le débrayage a eu pour effet d’obliger la direction à faire le nécessaire et la réaction de solidarité a fait le plus grand bien au collègue injustement mis en cause. Quoi de mieux que l’action collective pour se défendre !
Pour être défendus par nos élus PLP : en CAPA : Virginie FALOISE, Anthony HALBOUT, Benoît LEMEHAUTE, Fabienne PONCHUT, David JOUREL, Eric PENENT
au Comité Technique Académique et au CHSCT 76 : Stéphane LEGARDINIER
CGT Educ’Action Rouen
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