DROIT DE RETRAIT et COVID-19 : contre-argumentaire à opposer à l’employeur
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Nous publions cet article très instructif sur le droit de retrait, réalisé par nos camarades du collectif travail/santé de notre fédération. Dans ce contexte de propagation du Covid-19, mais aussi pour toute autre situation de travail dont l’agent a un motif raisonnable qu’elle constitue un danger grave et imminent pour sa vie, sa santé, ce peut être utile
1er argument de l’employeur : « le droit de retrait ne s’applique pas dans le fonction publique. »
FAUX. Le droit de retrait est transcrit dans les décrets de la Fonction publique. Il est issu de la directive européenne de 1989, non dérogatoire et supérieure au droit français. Il fait partie des outils nécessaires à l’évaluation des risques professionnels.
2° argument de l’employeur : « Le droit de retrait n’est pas collectif. »
Oui. Il convient d’être vigilant et de poser le droit de retrait individuellement, de façon orale d’abord, puis écrite, à remettre à son supérieur hiérarchique.
Mais rien n’empêche, au contraire, de poser un droit de retrait à plusieurs. Un exemple : un droit de retrait a été posé individuellement par sept professeurs (qui avaient cours à ce moment là), suite à une collègue victime de gestes déplacés et exercé au regard de l’absence de réponse de la hiérarchie qui a banalisé l’événement. Le lendemain, la décision est prise par la hiérarchie de sanctionner.
Il vaut mieux doubler l’écrit : une fois la hiérarchie alertée, il faut aller inscrire les motifs du droit de retrait dans le registre de signalement d’un danger grave et imminent (DGI) qui est dédié aux dysfonctionnements de l’exercice du travail.
Les représentants du personnel, élus et mandatés, peuvent prolonger ce droit de retrait en droit d’alerte et l’inscrire dans le registre des dangers graves et imminents.
3°argument de l’employeur : « La jurisprudence donne droit, sous le contrôle du juge, à un regard de l’employeur sur le droit de retrait. »
Oui. Mais un employeur ne peut menacer de sanction un personnel qui a posé son droit de retrait, encore moins retirer du salaire.
Lorsqu’un salarié exerce son droit de retrait, la loi lui demande seulement d’avoir « un motif raisonnable de penser » que la situation de travail présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Elle n’exige pas une cause réelle de danger, l’apparence et la bonne foi suffisent. Ainsi le juge contrôle uniquement le caractère raisonnable du motif et non la réalité du danger. Le salarié a droit à l’erreur (arrêt de la cour de cassation Precilec 11 décembre 1986, circulaire n° 93/15 du 25 mars 1993 – Circulaires.gouv.fr).
4°argument de l’employeur : « Le droit de retrait ne doit pas mettre en danger les usagers » (notamment les élèves)
Effectivement, lors du dépôt d’un droit de retrait, il convient de ne pas mettre en danger les élèves. Le plus simple est d’adopter les mêmes consignes que pour une alerte incendie : mettre les élèves dans la cour sous la responsabilité de la vie scolaire, informer la vie scolaire des faits. Dans tous les cas de figure, il appartient à l’employeur de donner des procédures, des consignes claires.
En conclusion,
5°argument de l’employeur : « Le droit de retrait a été posé de manière abusive. »
Non. - La loi n’exige pas une cause réelle de danger, l’apparence et la bonne foi suffisent. Ainsi le juge contrôle uniquement le caractère raisonnable du motif et non la réalité du danger. Par ailleurs, les fiches registres santé et sécurité au travail (d’où leur intérêt juridique fondamental) sont là pour témoigner qu’il ne s’agit pas d’un abus. Elles viennent en amont des faits, pour prévenir l’employeur des différents dysfonctionnements non pris en compte. Elles témoignent ainsi des motifs raisonnables pour déposer le droit de retrait. .
6°argument de l’employeur : « il n’y a pas de danger grave et imminent car nous ne sommes pas à l’article de la mort. »
Non. Nous vous renvoyons au droit, site du ministère du travail qui expose très bien de quoi il s’agit. C’est le salarié qui considère s’il estime que la situation relève du danger grave et imminent, le caractère imminent n’est pas forcément immédiat, dans l’instant. C’est le cas de l’amiante, mais aussi d’un fauteuil de bureau mal adapté:La Cour de cassation a ainsi admis le retrait d’une salariée non mandatée dont le poste ne comportait pas de siège aménagé, ni de repose-pied, sans examiner si le poste constituait réellement un danger, considérant que la déformation physique représentait un risque suffisamment grave.
Ministère du travail
Donc à quel moment peut-on considérer qu’une personne est en danger grave et imminent (soumise à un ou des faits touchant à son intégrité physique et morale) ?
C’est au salarié seul d’évaluer la gravité de sa situation (sans abus et sans mise en danger d’autrui).
7°argument de l’employeur : « le salarié s’expose à un rappel de traitement et à une sanction disciplinaire » .
Il convient de déposer le droit de retrait dans les règles de l’art : avertir sa hiérarchie d’abord oralement puis par écrit (brièvement : nom, lieu, date, situation concrète qui génère le danger)
sécuriser les usagers,
quitter son poste mais pas le lieu de travail sauf pour
consulter immédiatement son médecin et faire attester du lien avec le travail (code sécurité sociale).
Pour conclure, la directive européenne de 1989, le code du travail L4121 imposent : le travail doit être adapté à l’Homme, obligation non dérogatoire, qui s’impose à tout employeur y compris dans le public. Tout employeur a obligation d’évaluer les risques pour les éliminer, doit offrir des lieux de travail sains et sécurisés former au poste et à ses risques professionnels.
Serait-il plus facile de s’indigner de la mort d’un.e salarié.e à cause du travail plutôt que de la prévenir ?