Au menu de la réforme du lycée : suppression de postes, surcharge de travail et mise en concurrence généralisée
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La mise en place de la réforme du lycée avance à grands pas. Le président Macron souhaite avoir sa première fournée de bacheliers avant la fin de son mandat en mai 2022. C’est pourquoi la réforme doit entrer en vigueur dès la rentrée prochaine en première, puis en 2020 en terminale.
La réforme – comme toute bonne réforme ! - doit se traduire par la suppression d’heures de cours pour les élèves, ce qui permet de supprimer des emplois encore et encore. Tous ceux qui ont connu la précédente réforme du lycée (mise en œuvre par les mêmes) le savent. A cela s’ajoutent des attaques plus pernicieuses : la concurrence de tous contre tous et un énième alourdissement de la charge de travail.
Que le meilleur gagne !
Fidèle au ’’diviser pour régner’’, la réforme entraîne la mise en concurrence généralisée entre lycées et entre disciplines, pour mettre en concurrence les personnels. Pour l’instant, les chefs d’établissements doivent consulter la chambre d’enregistrement qu’est le conseil pédagogique sur les spécialités que souhaitent avoir l’établissement. Si à l’occasion, on peut dépouiller l’établissement voisin…
La concurrence aura aussi lieu bientôt entre les disciplines pour savoir comment vont se répartir les heures des spécialités entre discipline : 50-50 pour les deux disciplines concernées, 75-25, 100 % pour les uns et zéro pour les autres. Le résultat se fera établissement par établissement, en fonction des relations entre les équipes disciplinaires et, bien entendu, du bon vouloir du chef d’établissement (autonomie oblige !)
Concurrence également pour répartir les ’’marges’’ que chaque chef d’établissement va pouvoir distribuer à certains enseignements avec des dédoublements. Concurrence enfin lorsqu’il va falloir ’’vendre’’ sa spécialité aux élèves pour créer puis maintenir un vivier et sauver des postes.
La mise en concurrence va créer une ambiance délétère dans les salles des profs – d’autant plus que les perdants verront les postes disparaître dans leur discipline et/ou dans leur lycée.
Pour l’État-patron, ce n’est pas qu’un moyen pour détruire des postes, c’est également l’occasion de freiner toute riposte collective en développant le ’’chacun pour soit’’ déjà trop présent.
Charge de travail : toujours plus !
Depuis des années, la charge de travail des professeurs de lycée n’a fait qu’augmenter avec les multiples injonctions de l’institution (innovez ! différenciez ! tutorez ! etc.), le développement du numérique (renforcé par le crash d’e-lyco depuis que le marché a été livré à une multinationale norvégienne) et les classes de plus en plus surchargées.
La réforme va entraîner des changements de programme, plus ou moins profonds selon les matières. A la prochaine rentrée, certains collègues vont devoir préparer trois programmes (seconde – première générale – première technologique).
Au-delà de la nécessité des ’’faiseurs’’ de programme de justifier leur poste et leur salaire, cela traduit ce que Danièle Linhart, spécialiste de l’évolution du travail et de l’emploi, appelle « la dictature du changement permanent ». Dans un entretien de mars dernier (bastamag.net/La-dictature-du-changement-perpetuel-est-le-nouvel-instrument-de-soumission-des) : « Dans toutes les entreprises – que ce soit dans l’industrie ou dans les services – on change régulièrement les logiciels, on recompose les services et départements, on redéfinit les métiers , on organise des déménagements, on externalise, puis on ré-internalise... Ce faisant on rend les connaissances et l’expérience obsolètes. On arrive même à transformer de bons professionnels en apprentis à vie ! Les gens sont perdus. Les salariés […] sont totalement déstabilisés, se sentent en permanence sur le fil du rasoir et se rabattent sur les procédures et les méthodes standard, comme sur une bouée de sauvetage. Mais ces procédures et méthodes standard ne sont définies et maîtrisées que par les directions… Les salariés se retrouvent en proie à des doutes terribles. Ils se sentent impuissants, incompétents. Ils sont obligés de mendier des aides techniques. Leur image de soi est altérée. Ils ont peur de la faute, de faire courir des risques à autrui. Ces méthodes les jettent dans une profond sentiment d’insécurité. »
Là encore, l’avalanche de réformes – dans les écoles comme dans les collèges et lycées – est un outil pour briser la résistance des travailleurs, pour les infantiliser et ainsi les désarmer.
Il est encore temps d’arrêter le rouleau compresseur de la réforme. Rien n’est encore perdu !
Pour la CGT, la réforme du lycée est totalement inacceptable car elle a pour objectif de supprimer des emplois (selon les calculs de l’intersyndicale près de 25 000 sont menacés) mais aussi d’économiser du fric sur le dos des jeunes issus de la classe ouvrière et des catégories populaires (en réduisant la quantité et donc la qualité de l’offre d’enseignement). Le sacro-saint ’’intérêt des élèves’’ est la dernière préoccupation du Ministère et de tous ceux qui colportent les mensonges gouvernementaux qu’ils portent des cartes de presse ou des badges syndicaux.
Même si l’ambiance est bien (trop) calme dans les salles des profs, la CGT se bat pour construire une mobilisation contre cette réforme, en lien et en convergence avec les autres luttes des salariés de l’enseignement – en premier lieu celles contre la réforme/mise à mort des LP ou contre les suppressions massives de postes dans les services administratifs.