Alors que l’usine LUBRIZOL reprenait à peine...
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Alors que l’usine LUBRIZOL reprenait à peine son activité sur le site de Rouen, un terrible incendie a eu lieu à la raffinerie TOTAL de Gonfreville l’Orcher Samedi 14 décembre 2019.
En premier lieu soulignons que l’intervention rapide des pompiers professionnels de la Raffinerie a permis une intervention immédiate afin de circonscrire l’incendie. Cela est d’autant plus important à souligner que les patrons du secteur de la Chimie et du Pétrole ont multiplié ces dernières années les remises en causes des équipes de pompiers professionnels comme cette année sur les sites d’ARKEMA à St Auban ou encore d’ADISSEO à Commentry.
Si l’origine du feu, comme celui de LUBRIZOL, reste à déterminer, l’hypothèse d’une pompe étant l’une des possibilités, nous pouvons cependant observer que les industriels et les pouvoirs publics ont adopté - de concert – une même communication officielle visant à – faussement - « rassurer »
Concernant LUBRIZOL, nous avons mis en évidence comment l’industriel et la préfecture avaient cachés des informations essentiels à la population, comme la présence de toitures amiantés, le stockage des produits LUBRIZOL chez Normandie Logistique dans des conditions de sécurité non satisfaisante ou encore sur la dangerosité du nuage.
Concernant l’incendie TOTAL, le préfet garde le même discours sur la non toxicité du nuage alors qu’il est scientifiquement démontré que les incendies d’hydrocarbure dégagent des composants cancérogènes dont des hydrocarbures polycycliques aromatiques reconnus cancérogènes du groupe 1 par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC).
Autre similitude, le fait que TOTAL taise les incidents à répétition sur le site notamment lors du redémarrage après l’arrêt technique programmé du 15 septembre au 15 novembre 2019. Répéter en boucle à la presse que TOTAL a dépensé 110 millions d’euros lors des travaux ne suffit pas pour convaincre que la sécurité est au rendez-vous.
Preuve en est, trois incidents majeurs ont eu lieu sur le site entre la reprise partiel des unités le 15 novembre et l’incendie du 14 décembre dont :
- Une rupture d’une canalisation de pétrole brut
- Une fuite d’hydrogène
- Un départ d’incendie sur démarrage d’unité après arrêt technique
Comment ne pas faire le lien entre ces incidents à répétition et les conditions de plus en plus drastiques des arrêts techniques, des arrêts de plus en plus courts, avec de plus en plus de sous-traitance et des contraintes de temps peu compatibles avec des travaux de qualité. Nous dénonçons une nouvelle fois une chasse aux économies qui se fait au détriment de la sécurité des salariés et des populations.
Lors de sa visite sur le site de LUBRIZOL le 30 septembre dernier, le 1er Ministre Edouard Philippe a insisté sur un mot d’ordre : « la transparence totale ». Force est de constater qu’on est loin du compte concernant la reprise partielle d’activité du site LUBRIZOL à Rouen. Ainsi les éléments transmis au CODERST ne sont pas publiques tandis que la direction de LUBRIZOL se refuse à informer les riverains des travaux réalisés sur le site, de la mise à jour de son évaluation du risque, de son plan de lutte contre l’incendie, des conditions d’enfutage et de stockage sur trois nouveaux sites sous-traités, de la publication sur son site de documents rendus obligatoires par la réglementation… Bref, une communication à minima qui n’est pas pour rassurer travailleurs et riverains. Sans compter que le redémarrage d’une partie de l’activité se fait sans que l’on connaisse à ce jour la cause de l’incendie et avant même le résultat de l’expertise pour risque grave votée par les représentants du personnel de LUBRIZOL.
Depuis l’incendie LUBRIZOL du 26 septembre 2019, la CGT et l’ensemble des associations et syndicats mobilisés ne cessent de répéter à travers leurs expressions que les industriels jouent de plus en plus avec la vie des salariés et des riverains, que des pans entiers de la réglementation ne sont pas respectés par les donneurs d’ordres en matière de sous-traitance et de formation notamment comme le confirme l’enquête du Club Maintenance de la CCI de Rouen.
Nous avons donné de multiples exemples des « catastrophes » évitées comme à TOTAL le 17 octobre 2015 où une fuite de 8000 m3 d’éthylène aurait pu donner lieu à une explosion gravissime bien plus importante qu’à AZF Toulouse en 2001, ou comme à la centrale nucléaire de PALUEL le 31 mars 2016 avec la chute du générateur de vapeur, qui par miracle n’a fait aucune victime.
Cependant, les risques insensés pris par les industriels font des victimes immédiates comme le 17 février 2018 où deux salariés de la SNAD, sous-traitants de SAIPOL à Dieppe, sont envoyés au « casse-pipe » lors d’une intervention en zone explosive sans analyse des risques, comme à Total le 15 février 2019 où un sous-traitant trouve la mort après une chute de plusieurs mètres, comme à Saint Jean de Folleville ou à la centrale nucléaire de Paluel où le manque d’analyse de risque a causé la mort de 2 travailleurs en mars dernier. Mais surtout les négligences accumulées et l’absence de véritable analyse structurelle des risques CMR et de stratégies de prévention face à ces risques conduisent à la catastrophe certaine et constamment renouvelée des cancers professionnels et environnementaux, catastrophe rendue invisible par de multiples pratiques d’effacement des traces (pas de mémoires des expositions ; pas de recensement des cas ; pas de reconnaissance en maladie professionnelle…
Pour nous, il est de la responsabilité des industriels d’assurer la production dans des conditions de sécurité qui garantissent la santé des salariés, organiques et sous-traitants, mais aussi des riverains, à court, moyen et long terme. A eux d’organiser les conditions de production pétrolière garantissant non seulement l’absence d’accidents mais aussi l’absence de cancers professionnels et environnementaux. Les travailleurs de l’industrie pétrolière ont droit à un emploi qui ne tue pas.
Pour la CGT, il est clair qu’il est possible de produire en sécurité même lorsque les usines sont situées en agglomération, raison pour laquelle nous sommes pour le maintien de tous les sites, de toutes les productions et de tous les emplois. Cependant, produire en sécurité nécessite :
- L’interdiction de la sous-traitance dans les industries à risque
- Le retour des CHSCT avec des pouvoirs renforcés, afin de résister à la production en mode dégradé
- L’obligation de pompiers professionnels d’entreprise sur tous les établissements classés
- La transparence par la diffusion sur internet des courriers, rapports, décision, des services de l’État (IT et IPCE) adressés aux industriels
- La mise en place d’un suivi professionnel et post-professionnel digne de ce nom
- L’Impunité zéro contre la délinquance en col blanc, la création de l’infraction de crime industriel dans le Code pénal, la poursuite systématique des procès-verbaux de l’Inspection du travail, de l’ASN et du service des installations classées
- Le renforcement de l’indépendance, des moyens humains et juridiques des services de l’inspection du travail et des installations classés, de celui du service prévention de la CARSAT
- Mais aussi des embauches et des investissements plutôt que des dividendes
Rouen, le 17 décembre 2019