Amiante, Covid-19, organisations du travail pathogènes... : renforcer les CHSCT plutôt que les supprimer
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Déclaration lue en séance du CHSCT départemental le 5 mars 2020.
Impossible de commencer ce CHSCT sans exprimer notre opposition, toujours intacte, au projet de casse des retraites. L’utilisation du 49-3 s’inscrit dans la continuité et la nature de cette présidence, toujours moins sociale, toujours moins démocratique, toujours plus autoritaire. Fallait-il s’attendre à autre chose de la part d’Emmanuel Macron, pur représentant de la « caste », à savoir le corps des inspecteurs des Finances issu de l’ENA, mise en cause par le journaliste Laurent Mauduit, ou de cette « classe stato-financière », pour reprendre le terme utilisé par Emmanuel Todd dans son dernier livre ? La réponse est non et il n’y a pas d’autre voie à emprunter que celle d’une mobilisation massive, déterminée et pugnace des travailleurs pour défendre leurs droits sociaux. L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes.
Ce 5 mars 2020 constitue la première séance ordinaire du CHSCT de l’année scolaire 2019-2020. Enfin, serait-on tenté de dire ! C’est bien tardif, et non réglementaire (tout comme le délai d’envoi de la convocation pour cette séance, trois jours seulement au lieu de 15), et cela s’explique par plusieurs raisons : la catastrophe de Lubrizol, d’abord, puis l’attaque d’ampleur contre nos retraites qui a contraint à plusieurs reports. Ajoutons à cela une troisième raison : le peu d’empressement de la part de l’Administration de faire vivre le CHSCT. En effet, l’Exécutif a mis ses menaces à exécution en confirmant et actant la suppression des CHSCT.
Il y a pourtant urgence, comme le montre l’ordre du jour de cette séance : urgence liée aux conditions de travail, urgence sanitaire, mais aussi urgence environnementale.
Nous songeons évidemment à Lubrizol mais, ô surprise, l’Administration a refusé d’inscrire ce point à l’ordre du jour. Pourtant, depuis les deux CHSCT extraordinaires de cet automne, non seulement la société Lubrizol a été mise en examen mais qui plus est, le DASEN a refusé de procéder à une expertise par un cabinet indépendant, malgré le vote largement majoritaire du CHSCT.
L’actualité de ce CHSCT est bien évidemment celle du coronavirus, Covid-19, et du risque pour la santé des personnels et des élèves. Beaucoup de questions se posent : quels moyens sont mis à la disposition des élèves et des personnels pour suivre les recommandations ministérielles minimales (se laver les mains par exemple, moyens de distinction rapide des symptômes chez les élèves et chez les personnels...) ? Les personnels qui se « confinent » parce qu’ils reviennent d’une zone à risques, ou qui pensent développer des symptômes sont-ils assurés que leur salaire sera maintenu intégralement malgré le jour de carence ? La CGT réclame la publication d’un décret pour les fonctionnaires comportant au minimum la suspension immédiate de l’application du jour de carence, dont la CGT continue de revendiquer l’abrogation pure et simple et elle apporte son soutien aux agents qui utilisent leur droit de retrait pour obtenir les garanties d’exercice des missions dans le respect de la santé des usagers et des personnels.
Autre urgence, la question de l’amiante dans les établissements scolaires. A plusieurs reprises, le quotidien Libération a publié des enquêtes d’utilité publique, par exemple dès le 20 mars 2019, dans un dossier où des scientifiques et des militants associatifs qualifient de bombe à retardement la question de l’amiante à l’école. Très récemment, le 4 février 2020, Libération publiait un nouvel état des lieux alarmant de l’amiante à l’école : absence de DTA pour environ un tiers des établissements scolaires, présence d’amiante dans environ trois établissements du secondaire sur quatre et dans plus d’une école sur trois. De plus, le ministère vient de supprimer l’Observatoire de la sécurité des établissements scolaires. Nous espérons pouvoir traiter cette question au cours de cette séance puisqu’un point est prévu sur les dossiers techniques amiante dans le département mais sans en être certains car la DSDEN a refusé d’inscrire à l’ordre du jour la situation de l’amiante depuis les nouvelles révélations de Libération. Notre syndicat avait également plaidé pour faire figurer cette question parmi les axes de prévention départementaux lors du groupe de travail du 19 septembre dernier, appuyé en cela par les axes de prévention ministériels qui recommandent entre autres que des mesures d’empoussièrement soient réalisées systématiquement en cas de doute sur le risque d’exposition des personnels et des élèves.
Au cours de cette séance, nous attendons des réponses sur le cas du collège Charcot, à Oissel. Les personnels ont exercé un droit de retrait le 24 juin 2019 et ont renseigné le registre Danger grave et imminent à cause de la destruction des bâtiments de l’ancien collège et de la propagation massive de poussières susceptibles de contenir de l’amiante, entre autres, dans les nouveaux locaux situés juste à côté. Or, la gestion par les autorités publiques semble défaillante. Alertée avant les congés d’été par la CGT, la DSDEN n’a répondu que fin août en indiquant ne pas être au courant du droit de retrait et à ce jour, nous n’avons reçu aucune information ni document. Des mesures de protection des personnels ont-elles seulement été prises ? Une surveillance médicale a-t-elle été mise en place ? Cette situation est sidérante. A titre d’information, nous saluons l’arrêt rendu le 11 septembre 2019 par la Cour de cassation et qui étend le périmètre du préjudice d’anxiété à toute substance nocive ou toxique, comme le demandaient des mineurs lorrains.
Concernant les autres points à l’ordre du jour, nous espérons enfin des avancées réelles sur des dossiers qui traînent parfois depuis des années faute de moyens dédiés par l’État et de volonté de développer une vraie culture de la prévention des risques professionnels dans l’Éducation nationale. C’est le cas : des registres Santé et sécurité au travail, sujet récurrent de confrontation entre organisations syndicales et DSDEN, alors que la loi oblige l’employeur à mettre à disposition de tous les personnels ces registres et que ceux-ci puissent les utiliser sans crainte de représailles ;
des DUER (Documents Uniques d’Evaluation des Risques), pourtant obligatoires et à actualiser chaque année dans tous les EPLE et toutes les écoles ;
du bilan de l’activité de la médecine de prévention, lequel devrait permettre au CHSCT et aux représentants élus de connaître l’état de santé de leurs collègues de Seine-Maritime et d’agir efficacement dans ce domaine pourtant fondamental ;
enfin, des déclarations d’accidents de service et de maladies professionnelles, point sur lequel l’Administration freine toujours des quatre fers. L’inspection du travail avait pourtant été très claire dans son rapport rendu le 8 janvier 2018 et dont la CGT réclame la simple application : « le CHSCT D 76 […] doit être destinataire de l’intégralité des déclarations d’accident du travail et de maladie professionnelle. Si l’obligation de discrétion à laquelle les membres sont tenus ne présente pas une garantie suffisante, une liste exhaustive des déclarations d’accidents de service et de maladies professionnelles précisant l’ensemble des informations qui y figurent, excepté les coordonnées personnelles des victimes, devra être communiquée au CHSCT ».
Sur le règlement intérieur, le CHSCT dispose enfin d’un texte réglementaire travaillé, débattu et voté en séance du 27 juin 2019. Il était temps, ce dysfonctionnement ayant là encore été pointé par l’inspection du travail. Nous demandons l’application immédiate de ce règlement intérieur, notamment l’octroi d’un deuxième jour de travail pour les trois visites annuelles du CHSCT, l’envoi d’un ordre de mission permanent permettant aux membres du CHSCT d’accéder aux établissements et services relevant du périmètre du CHSCT et la mise en place de vraies séances du CHSCT en lieu et place de groupes de travail informels et sans PV.
Enfin, la CGT-Educ’action a des propositions à formuler. Ainsi, plutôt que de supprimer les CHSCT en les fusionnant avec les Comités Techniques, il conviendrait plutôt de renforcer leurs moyens et leurs prérogatives, d’en créer aux échelons locaux et d’y ajouter par exemple une lettre, un E, comme environnement, afin de créer des CHSCTE. Dérèglement climatique, pollutions, effondrement de la biodiversité, etc., face à ces enjeux énormes de santé publique, nous considérons que le service public de l’Éducation nationale porte une responsabilité particulière envers les millions de jeunes et d’adultes qui fréquentent quotidiennement ses locaux et devrait donc montrer l’exemple dans le domaine de la prise de conscience et de l’action en faveur de la protection de l’environnement et de la lutte contre le dérèglement climatique.
Une autre proposition liée à l’ordre du jour concerne le plan social en bac pro Gestion-Administration, lequel illustre les liens entre conditions de travail, santé et environnement. Au printemps 2019, le ministère a imposé arbitrairement la suppression de la moitié des classes de bac pro GA sur l’ensemble du territoire. Il n’est guère difficile de se mettre à la place des milliers de collègues concernés par la violence sociale de ce train de suppressions pour saisir son impact sur leur santé. Impact pourtant guère évalué par l’Administration bien que la réglementation et le Code du travail imposent à tout employeur d’évaluer les risques professionnels et de les supprimer. Outre les dégâts sur la santé des collègues, déjà en partie visibles si l’on en juge par exemple les collègues qui ont perdu le sommeil ou que l’on retrouve en pleurs sur leur lieu de travail, les conséquences seront également environnementales : ceux/celles qui vont perdre leurs postes seront contraints de prendre leur voiture pour aller se former et travailler parfois très loin, donc polluer davantage, en plus de dégrader leurs conditions de travail et leur état de santé… Le ministre Blanquer a indiqué récemment vouloir renforcer l’éducation au développement durable à l’école : eh bien ! voici une occasion parmi tant d’autres de passer enfin des discours aux actes. Revenir sur les reconversions imposées, ce serait réduire l’empreinte carbone des personnels mais aussi des élèves qui, ne trouvant plus de places en GA dans le lycée le plus proche, vont devoir se déplacer vers un LP situé plus loin.
Ainsi, la CGT analyse, critique, dénonce mais formule également des propositions afin d’améliorer les conditions de travail et de vie des travailleurs et des usagers des services publics. Elle se trouvera aux côtés de tous ceux/celles qui uniront les salarié.e.s afin de faire converger les luttes sociales, environnementales et démocratiques en vue de bâtir une société plus juste et des conditions de vie dignes pour tous. Pour ne pas perdre sa vie à la gagner ! Pour ne pas perdre sa vie tout court !