Covid-19 : faillite de leur modèle, nécessité des luttes à venir
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La séance du CHSCT départemental 76 du 9 avril 2020 en visioconférence, bien que globalement stérile, a au moins permis de faire entendre une autre voix. Et d’inciter les salarié.e.s à préparer les luttes à venir. Voici la déclaration qui y a été lue.
Nous voici contraint.e.s d’accepter une séance du CHSCT dans des conditions inédites, à distance, en visioconférence. Ni formé.e.s, ni préparé.e.s, ni équipé.e.s par l’employeur. Ni certain.e.s de pouvoir participer correctement aux débats, ni assuré.e.s que les conditions réglementaires d’une séance en visioconférence soient respectées (article 67 du décret 82-453). Ironiquement, le décalage est flagrant entre d’un côté, l’hystérie autour du numérique et du télétravail, et, de l’autre côté, le recours à d’antiques mesures de santé publique, confinement et quarantaine. La pandémie impose des mesures qui étaient encore inimaginables deux mois auparavant et jette une lumière crue sur l’incompétence de l’Exécutif, totalement pris au dépourvu et navigant à vue : pour les supporters de la start up nation, le coup est rude.
A l’image de ce CHSCT extraordinaire, nous voici contraint.e.s et sommé.e.s de télé-travailler. Pour la CGT Educ’action, le télé-travail et sa généralisation ne sauraient constituer une voie d’avenir. Notre syndicat tient à affirmer avec force que l’enseignement, c’est avant tout du présentiel et de l’humain. Il importe ainsi de mettre en garde contre les dangers du télétravail, qui plus est en l’absence de matériel professionnel mis à disposition par l’employeur et de formation : fractures sociales et scolaires qui s’aggravent ; marchandisation et privatisation de l’éducation ; empiètement de la vie professionnelle sur la vie privée ; risques pour la santé et le développement des enfants, malgré les mises en garde d’une partie du milieu scientifique ; enfin, danger pour l’environnement et le climat puisque le numérique pollue énormément et devient un facteur majeur d’émissions de gaz à effet de serre.
La CGT Educ’action soutient les collègues qui n’ont pas pu, voire pas voulu se plier à l’injonction ministérielle de la continuité pédagogique, malgré les pressions qui ont pu s’exercer de la part de la hiérarchie. Nous saluons néanmoins le sens du service public de nos collègues qui, dans des conditions exceptionnellement graves et anxiogènes, ont réussi à échanger avec leurs élèves, les ont rassurés, aidés et leur ont proposé des contenus d’enseignement. Nous saluons également la solidarité des collègues qui se sont porté.e.s volontaires pour accueillir les enfants de soignant.e.s mais qui ont pris des risques pour leur santé et celle d’autrui, et qui sont parfois tombé.e.s malades. Honte à ce gouvernement de les avoir exposé.e.s au danger sans protection ! Honte à tous ceux qui, en dépit du bon sens et des risques avérés, ont contraint des personnels à se rendre sur leur lieu de travail !
Nous voici donc contraints de demander, à distance, des comptes à l’Administration et d’essayer, sans illusions, d’obtenir des réponses à nos demandes. Certes, nous mesurons les énormes difficultés qui se posent pour le Rectorat et la DSDEN d’évaluer les risques, de recenser les personnels exposés et d’obtenir les moyens pour protéger leur santé. Mais prenons les paris, et anticipons ce qui va nous être répondu : nous étions pleinement mobilisés, H24, nous avons fait tout ce qui est en notre pouvoir pour assurer la continuité pédagogique, et d’ailleurs nous pouvons nous féliciter de ce qui a été accompli, tout s’est globalement bien passé et nous remercions l’engagement de tous et de toutes au service de la réussite des élèves. Auto-satisfecit, déni des difficultés, langue de bois et ringardisation des contestataires, les ficelles sont toujours les mêmes. Comme lors de l’explosion de Lubrizol, comme d’habitude.
Malgré cela, nous porterons nos exigences, nous ferons entendre une autre voix et nous poserons les questions qui s’imposent, même à distance : Combien de personnels ont été exposés au risque de contamination ?
Combien ont contracté le Covid-19 dans le département ? Combien potentiellement sur leur lieu de travail ?
L’Administration va-t-elle prendre en charge ces personnels en maladie professionnelle ou en accident du travail ?
Quel rôle joue la médecine de prévention du Rectorat, malgré l’indigence du 1,4 poste équivalent temps plein de médecins pour l’ensemble des personnels de l’académie ?
De quelle quantité et de quelle qualité de matériel sanitaire l’Administration dispose-t-elle pour protéger les travailleurs ? Depuis quand ?
Une campagne de tests va-t-elle être organisée rapidement pour détecter les personnels contaminés ?
Quand, et avec quelles garanties face à ce virus, allons-nous retrouver nos élèves ?
L’Administration a-t-elle évalué les risques professionnels liés aux conditions de travail actuelles et quelles mesures prend-elle pour les supprimer ?
Pourquoi les membres du CHSCT n’ont-ils reçu aucune information, à part le courriel du 2 avril transmis aux directeurs/trices d’écoles les informant de l’arrivée de masques ?
Cette liste n’est évidemment pas exhaustive mais justifie le fait que nous ayons accepté malgré tout de participer à ce télé-CHSCT.
Enfin, sur un plan plus général, nous voici contraint.e.s de subir les conséquences de la politique de classe menée par ce pouvoir. Au nom du profit, ce pouvoir a aggravé dangereusement la situation du service public hospitalier, déjà attaqué depuis des décennies par des politiques budgétaires mêlant austérité et management néolibéral. En 1980, le pays disposait de 11 lits pour 1000 habitants dans les hôpitaux ; aujourd’hui, seulement 6, voilà la situation. Au nom du profit, ce pouvoir et celui qui l’a précédé ont fait le choix, à l’encontre de toutes les recommandations du corps scientifique, de se débarrasser des stocks de masques. Au nom du profit, ce pouvoir a poursuivi, dans le cadre de la division mondialisée du travail, les délocalisations et les fermetures d’usines permettant de fabriquer et de s’approvisionner en matériel médical et en médicaments. Au nom du profit, ce pouvoir amplifie la destruction de l’environnement, la déforestation, la destruction des écosystèmes, la pollution de l’air, le dérèglement climatique et leur rôle majeur dans la survenue des pandémies. Au nom du profit, ce pouvoir promeut le libre-échange, érigé en dogme, libre-échange qui pollue, qui précarise et dont on voit l’impact sur la propagation de la pandémie. Au nom du profit, ce pouvoir réprime les militant.e.s syndicaux, écologistes, les lanceurs.ses d’alerte, les gilets jaunes, tous ceux/celles qui contestent la raison d’être de cette classe sociale au pouvoir : le profit, le profit, rien que le profit.
Mais soudain ébranlé par la rapidité et l’ampleur de la pandémie et de ses conséquences gigantesques, ce pouvoir aurait donc subitement pris conscience et appris de ses erreurs. Le Macron nouveau serait prêt à en tirer toutes les conséquences, « quoi qu’il en coûte ». Mais à l’image de Sarkozy promettant de moraliser le capitalisme au moment de la crise financière de 2008, il ne faut pas en croire un mot. La situation extrême que nous sommes contraint.e.s de vivre oblige ce pouvoir à faire un tout petit peu profil bas. Provisoirement, hypocritement. Déjà, ce gouvernement nous joue le refrain de l’union nationale, comme si les travailleurs.ses pouvaient compter sur un pouvoir qui a aggravé l’exploitation, divisé la société et choisi la confrontation avec tous ceux/celles qui réclament plus de justice sociale. Déjà, ce gouvernement prend des mesures d’exception déréglementant de manière scandaleuse le droit du travail et contrôlant nos libertés individuelles. Transitoires, tentent-ils de nous rassurer. On sait ce qu’il en est du contrôle policier, une fois celui-ci mis en place, surtout quand des individus comme le préfet de police de Paris sont chargé.e.s de l’organiser et se permettent d’insulter les malades en toute impunité. Déjà, ce pouvoir prépare de nouvelles attaques et fera tout pour sauver son ordre et ses profits.
Mais ce pouvoir devra compter sur nous. Nous, c’est-à-dire les militant·e·s, les travailleur·e·s, les citoyen·ne·s des classes dominées, déjà engagé·e·s ou pas, rejoint·e·s par tous ceux et celles qui prennent davantage conscience de la faillite de leur modèle, capitaliste, néolibéral, libre-échangiste, productiviste. Oui, il va falloir se battre et nous avons hâte de nous battre. Le dégoût et la colère que nous ressentons à l’égard de cette classe sociale au pouvoir est à la hauteur de nos espoirs en une société qui rompt avec les tares de la société que nous venons de dénoncer. Nous avons hâte d’être massivement en lutte pour nous défendre contre cette classe qui fait passer ses profits avant nos vies, à l’image du géant Amazon à l’égard de ses employé.e.s, esclaves modernes. Nous avons hâte de sanctionner ce pouvoir, coupable d’avoir sacrifié la santé publique, coupable d’avoir menti sur les masques et la pandémie. Nous avons hâte de changer de système. Nous avons hâte de le remplacer et de construire celui que nous appelons de nos vœux, fondé sur la gestion de l’économie et de la société par les travailleurs.ses eux/elles-mêmes, sur l’élargissement des libertés, l’égalité sociale, la gratuité des services publics, la protection de la nature et de l’environnement, le respect des droits des minorités, l’entraide, la solidarité et l’internationalisme. Mais il va falloir se battre, encore plus fort, bien plus nombreux.ses, plus uni.e.s que ce que nous avons fait jusqu’à présent. Il y aura sans doute un avant et un après. Nous nous y préparons. Nous serons prêt.e.s.