Monsieur le DASEN de Seine-Maritime, la CGT éduc’action 76 exige l’application du Code du travail et du décret 82-453
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Voici la déclaration lue mercredi 20 mai en séance du CHSCT 76. Séance présidée par Mme la secrétaire générale de la DSDEN, présidente par délégation. La réglementation européenne (directive du 12 juin 1989) et le Code du travail doivent s’appliquer afin de protéger la santé de tous/tes.
Madame la présidente du CHSCT par délégation,
non, la réouverture des écoles et des collèges ne se passe pas bien et toutes les mesures nécessaires afin d’éviter les risques et de protéger la santé de tous ne sont pas prises, loin s’en faut. Les signalements qui vous remontent via par exemple les représentants syndicaux ou des fiches SST ne constituent que la partie émergée de l’iceberg. Cette situation, vous la connaissez à l’évidence, mais l’Education nationale continue à fonctionner et à communiquer comme une institution digne d’un régime autoritaire, masquant la réalité de la situation, pratiquant à outrance les éléments de langage, imposant une prétendue loyauté à ses cadres et ostracisant les « lanceurs d’alerte ». La maltraitance à l’égard des personnels et la détresse d’une partie d’entre eux/elles, par exemple des directeurs/trices des écoles, sommés d’appliquer des protocoles sanitaires dans des conditions organisationnelles intenables la plupart du temps, ainsi que les conséquences sur leur santé physique et mentale sont minimisées ou tout simplement niées par l’institution. Pire, dans certains cas, des cadres de l’administration exercent des pressions sur les travailleurs qui alertent sur les risques et exercent leurs droits. Va-t-on bientôt accuser ces travailleurs de harceler l’Administration alors que celle-ci ne les protège pas efficacement face aux risques Covid ? Si dorénavant, les travailleurs victimes de l’absence de prévention et de protection se font passer pour des coupables par l’Administration et qu’inversement, les chefs de service se font passer pour des victimes, alors, c’est absolument inacceptable et illégal, d’autant que cela pourrait bien s’apparenter dans certains cas à de la discrimination syndicale, qui plus est.
Nous sommes donc contraints à nouveau de vous rappeler vos obligations de moyens et de résultats en matière de santé et de sécurité, supérieures à votre propre pouvoir hiérarchique. Nous sommes également contraints de vous redire que la partie IV du Code du travail, transcription de la directive européenne du 12 juin 1989, doit s’appliquer dans cette institution, à commencer par les principes généraux de prévention : 1°éviter les risques ; 2° évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° combattre les risques à la source ; 4° adapter le travail à l’homme […] ; 5° tenir compte de l’état d’évolution de la technique ; 6° remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° planifier la prévention […] ; 8° prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° donner les instructions appropriées aux travailleurs.
Suivant cette logique de suppression des risques professionnels, qui est celle du droit, rappelons-le, les recommandations des scientifiques, et en particulier celle du conseil scientifique qui préconisait de ne pas rouvrir les écoles et les établissements scolaires, doivent être prises en compte, y compris en l’absence de consensus scientifique sur les modes de contamination. Nous vous alertons à nouveau à la suite du courriel du 5 mai, du dernier CHSCT et du droit d’alerte du 7 mai, sur le fait que la contamination par voie aérienne (aérosols) semble purement et simplement niée par les autorités étatiques et ministérielles ; que les mesures barrières et les règles de distanciation physique d’un mètre ne protègent pas efficacement, comme l’a par exemple rappelé récemment l’académie nationale de médecine ainsi que plusieurs études scientifiques que nous vous avons fait parvenir ; que seuls les masques FFP2 sont des EPI (équipements individuels de protection) et protègent efficacement les travailleurs ; que les masques grand public ne présentent à ce jour aucune garantie scientifique d’efficacité, la spécification AFNOR n’étant ni une norme ni une certification. Sur les masques, que vous considérez comme des EPI (courrier daté du 11 mai), ceux-ci ne présentent aucune garantie d’efficacité scientifique si l’on s’en tient à la notice que vous avez communiquée vendredi 15 mai à la suite du droit d’alerte effectué le matin par un membre du CHSCT et qui indique par écrit, citons : « Ce dispositif n’est ni un dispositif médical au sens du Règlement UE/2017/745, ni un équipement de protection individuelle au sens du Règlement UE/2016/425. » De plus, vous n’avez pas répondu aux autres questions posées par l’auteur du droit d’alerte (voir courriel du 15 mai à 18h56) sur l’entretien qui doit être à la charge de l’employeur, sur les modalités de nettoyage pour respecter le cycle complet lavage, sur l’envoi aux personnels du cycle de nettoyage complet, sur leur conditionnement (absence d’emballages individuels, répartition dans des cartons en grande quantité en sachet de 6), sur le protocole de répartition et de reconditionnement de ces masques, sur la notice de reconditionnement fournie aux personnels. Nous exigeons des réponses écrites et urgentes à ces questions, au vu des risques professionnels, et que vous nous fournissiez le rapport du laboratoire qui a testé les masques et qui doit garantir une « efficacité de filtration supérieure à 90% pour les particules de 3 microns ».
Sur un autre point majeur de la lutte contre la pandémie, à savoir les tests, concernant les personnels (ou les enfants) présentant des symptômes, il est indispensable d’obtenir rapidement des tests non seulement pour les malades mais pour les personnes-contacts car de la rapidité des tests dépend aussi l’arrêt de travail immédiat des victimes du COVID. C’est une mesure de prévention collective qui ne figure pas explicitement dans les protocoles mais qui relève du bon sens. Dès lors qu’un cas est identifié dans une école ou un établissement scolaire, tous les enfants de la classe concernée et tous les personnels devraient pouvoir bénéficier d’un test rapidement.
Sur les protocoles, si nous ne sommes pas opposés par principe à des protocoles sanitaires nationaux, nous constatons que ceux-ci ne tiennent pas compte de toutes les recommandations scientifiques qui s’imposent et que les conditions organisationnelles de leur application sur le terrain sont généralement impossibles à tenir. Enfin, ces protocoles sont parfois vus comme une « Bible » : outre le fait que la métaphore est fort peu laïque, si Bible il devait y avoir, ce serait plutôt celle des droits humains fondamentaux, dont la valeur juridique est reconnue au niveau international, par exemple dans le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels avec contrôle de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), du Conseil économique et social des Nations Unies, de la Déclaration universelle des droits de l’homme, dans lesquels figurent notamment le droit à de bonnes conditions de travail et à la sauvegarde de la santé, lesquelles priment sur tout autre droit édicté dans le monde du travail.
Aussi, dans le cadre de la crise sanitaire en cours, force est de constater que non seulement vous n’appliquez pas la réglementation, Madame la présidente du CHSCT, mais que de plus vous faites le choix délibéré de ne pas appliquer une partie de celle-ci.
Il en est ainsi de l’évaluation des risques professionnels : les documents uniques (DUERP) doivent être actualisés lors de toute décision modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail (article R4121-2 du Code du travail applicable dans la Fonction publique). Où sont les DUERP, où ont-ils été actualisés et comment ? Pourquoi refusez-vous de les communiquer au CHSCTD ?
Par ailleurs, dans la plupart des écoles et établissements scolaires, des entreprises extérieures interviennent, par exemple pour des travaux de maintenance. Or, la réglementation impose dans le cadre du risque Covid-19 (agent biologique pathogène, voir arrêté du 19 mars 1993, en application de l’article R. 4512-7 du code du travail) de procéder à des inspections préalables communes et de mettre à jour les plans de prévention. Qu’en est-il dans notre département, Mme la Présidente du CHSCT, alors que les écoles, les collèges, les services, les GRETA ont déjà rouvert ?
Concernant les prérogatives des CHSCT, nous exigeons une chose simple : l’application de la loi. Tous les droits d’alerte pour danger grave et imminent effectués par un membre d’un CHSCT (au moins 7 au cours des dernières semaines, de la part de trois organisations syndicales du CHSCT départemental de Seine-Maritime) doivent obligatoirement et légalement être suivis d’enquêtes immédiates du CHSCT. Vous le savez puisqu’une décision du tribunal administratif de Rouen du 19 mars 2019 vous l’a rappelé. Nous sommes dans un Etat de droit ? Hé, bien ! Montrez l’exemple, faites appliquer la loi dans le département que vous dirigez et diligentez les enquêtes.
Sur le droit de retrait, le ministre a déclaré sur BFM-TV le 5 mars 2020 : "le sujet du droit de retrait est un sujet pour tout le monde et pas spécifiquement pour les professeurs. Toutes les études juridiques ont été très claires sur ce point : le droit de retrait ne s’applique pas dans des circonstances comme celles-ci, la définition du droit de retrait ne correspond pas à ce que nous sommes en train de vivre, donc il y a pas de droit de retrait". Ces déclarations sont graves car elles portent atteinte à un droit individuel inscrit dans la législation européenne et française. Le ministre ne peut l’ignorer mais continue à pratiquer infox et intox afin de dissuader les personnels de l’exercer et, ce faisant, mettre leur santé en danger potentiellement.
Tous ces éléments s’ajoutent à la longue liste des manquements à la réglementation. L’inspection du travail avait été saisie par le CHSCT en 2017 et avait rendu un rapport détaillé après enquête en janvier 2018. Depuis, les prérogatives du CHSCT n’ont pas avancé sur un certain nombre de points et nous vous alertons à nouveau sur ce qui finit par constituer des entraves au fonctionnement du CHSCT et aux missions de ses représentants : droits d’alerte CHSCT non suivis d’enquêtes (article 5-7 du décret modifié 82-453), absence de programme annuel de prévention départemental des risques professionnels, de transmission tout au long de l’année des déclarations d’accident du travail et de maladies professionnelles, de documents transmis en amont ou pendant les séances, de consultation du secrétaire du CHSCT pour l’ordre du jour des séances depuis le début de la crise Covid-19… Récemment, vous avez refusé de nous donner un ordre de mission permanent (pourtant voté dans le règlement intérieur l’an dernier) ou à tout le moins une autorisation de déplacement dans le cadre de la crise Covid-19 pour accéder à tous les sites du département, et vous ne nous avez formés ni aux gestes barrière, ni au port du masques, ni fourni de vrais masques ou d’EPI. malgré notre demande. Vous n’avez pas non plus répondu à nos sollicitations en urgence suite aux droits d’alerte effectués. Au lieu de cela, nous avons constaté que vous aviez préféré répondre à la presse plutôt qu’aux membres du CHSCT chargés de contrôler votre action.
Madame la présidente du CHSCT, nous vous demandons donc d’appliquer le droit et de prendre toutes les mesures afin de supprimer les risques professionnels. Dans le cas contraire, nous en tirerons les conséquences qui s’imposent. Pour ne pas perdre sa vie à la gagner !