CTA du 24 juin : déclaration de la CGT éduc’action 76-27
par
popularité : 10%

Madame la Rectrice,
1,6, c’est au 19 juin le taux de reproduction du virus COVID-19 en Normandie. Au niveau national le taux est de 0,93, après être descendu à 0,73. Ces chiffres doivent alerter, notamment pour le périmètre de Rouen où quelques foyers épidémiques ont été identifiés, mais aussi au niveau national car ils prouvent que le virus est toujours en circulation.
Pourtant, dans son discours du 14 juin, M. le Président est venu confirmer que les intérêts économiques priment les enjeux sociaux et de santé. Au mépris d’un rebond toujours possible de l’épidémie et de la santé des personnels, le président de la République veut pousser tou.te.s les salarié.e.s à retourner sur leur lieu de travail et la présence coûte que coûte des enseignants et des élèves dans les classes de maternelle, élémentaire et collège est primordiale. Si les certificats d’isolement pour les personnes vulnérables continuent à être pris en compte pour qu’elles puissent être en télé-travail ou bénéficier d’autorisations d’absence, ce n’est plus le cas pour les personnels qui vivent avec une personne vulnérable. Pourtant dans le secteur privé, ces autorisations spéciales d’absence restent d’actualité et les salarié·es concerné·es peuvent effectuer du télé-travail. Cette exception pour les personnels de l’Éducation est inadmissible. Le Ministre de l’Education Nationale fait courir des risques de santé aux proches des personnels, et nie l’impact du stress occasionné par cette responsabilité. Nous vous demandons, Mme la Rectrice, de déclarer que les salarié-e-s de l’Académie vivant avec une personne vulnérable ont toujours droit au télé-travail et aux autorisations spéciales d’absence. En espérant que le ministre de l’Education nationale en fera de même rapidement, le fait qu’il n’ait pas dénoncé - pas plus que M. Macron - l’inadmissible campagne médiatique laissant entendre que les profs seraient « décrocheurs » nous en fait douter. Ces attaques calomnieuses feignent d’ignorer que travail à distance rime avec surcharge de travail et de risques psycho-sociaux, et que nombre d’entre nous avons été et sommes sur notre lieu de travail, souvent sans être suffisamment protégé.e.s.. Parler de sanction est inadmissible alors même que les enseignants, les administratifs, l’ensemble du personnel a dû s’adapter au télé-travail, du jour au lendemain, sans aucun matériel fourni par le Ministère, sans aucune formation et sans aucune indemnité alors même que la loi en donne la possibilité.
A propos du point COVID-19, le livret du CTA est étrangement vide. N’y figurent même pas les derniers chiffres nationaux et régionaux évoqués au début de la déclaration. Pourtant des informations sont importantes : dans quelles écoles ou établissements des cas de COVID ont-ils été suspectés et confirmés ? Dans quelle villes ou quartiers avons-nous des foyers épidémiques ? Quels établissements et écoles sont dans cette zone ? Quelles mesures ont été prises pour la protection des personnels et des élèves ? Impossible d’avoir confiance, et nous sommes très inquiets pour la reprise depuis le 22 juin. Nous considérons que faire revenir tous les enfants et les élèves dans les crèches, les écoles et les collèges, en assouplissant fortement le protocole sanitaire faute de moyens supplémentaires pour réduire les effectifs de classe, désinfecter régulièrement les salles, les bureaux et constituer des stocks de masques, de gel, etc...., est irresponsable. Nous souhaitons bien évidemment que tou.te.s les élèves puissent à nouveau être scolarisé.e.s et constatons que malgré l’engagement des enseignant-es, l’enseignement à distance fonctionne mal, renforce les inégalités scolaires mais aussi sociales et met une pression intolérable sur les familles. Mais cette scolarisation doit se faire dans des conditions sereines et protectrices pour la santé de tou.te.s, et aussi dans les lycées professionnels, généraux et technologiques. Donnons à l’éducation les moyens de le faire et aussi de rattraper les retards scolaires : des maxima de 15 élèves par classe, et moins en REP et REP+, toute l’année scolaire 2020/2021, hors épidémie et de 10 élèves par classe si l’épidémie est toujours présente avec une annulation des suppressions de postes et fermetures de classes ;
un recrutement de titulaires, très massif et en urgence, pour l’enseignement, l’entretien, la vie scolaire, les services sociaux et médico-scolaires, recrutement qui passe par la titularisation sans conditions de tous les précaires et des stagiaires 2019, et par l’admission sans examen aux concours pour tou-tes les inscrit-es ;
la création d’un véritable statut dans la Fonction Publique pour les AESH et leur titularisation à temps plein ;
des moyens de protection sanitaires, en particulier des masques FFP2 ou chirurgicaux, gratuits, aux normes et en nombre suffisant pour tous.te.s, des tests de dépistage réguliers pour l’ensemble des personnels et des élèves, mais aussi pour toute la population, et des moyens humains pour les effectuer ;
le renforcement des moyens et des prérogatives des CHSCT, de la médecine de prévention, des assistants de prévention ainsi que l’application du Code du travail en matière de santé dans l’éducation nationale.
Les milliards dilapidés par le gouvernement pour des grandes entreprises qui sauvegarderont les dividendes des actionnaires plutôt que les emplois, doivent être utilisés pour les services publics. C’est pour défendre ces revendications que nous appelons le personnels à se rassembler, dans un cadre intersyndical, à 15h00 aujourd’hui devant le Rectorat.
Nous avons pourtant perçu dans le discours de M. le Président bien autre chose et celui-ci annonce des attaques sociales et une nouvelle salve de décentralisation. Le « travailler et produire davantage » présage une réduction des congés, déjà initiée dans la loi d’urgence sanitaire, mais aussi une augmentation du temps de travail, un recul du départ à la retraite, le recours à la précarité, des suppressions de postes dans la Fonction Publique.... La volonté est de faire payer la crise sanitaire et économique aux salarié.e.s, à la jeunesse, aux retraité.e.s, aux privé.e.s d’emploi… au lieu de faire d’autres choix : socialiser des entreprises pour éviter les licenciements, créer un monopole de service public de tout le secteur de la santé sous le contrôle des travailleur-ses, renforcer les services publics pour atténuer les conséquences dramatiques de la crise économique, faire de la lutte contre le dérèglement climatique et pour la préservation de l’environnement une priorité, en alliant justice sociale et justice environnementale.
Et les propos et chantiers ouverts par le Ministre de l’Education nationale en pleine tourmente nous laissent entrevoir les mêmes craintes : la volonté de développer le télé-enseignement sous une forme hybride nous inquiète ; la seule existence du dispositif 2S2C, même annoncée comme temporaire, nous fait craindre des transferts de missions d’EPS et de culture artistique ; l’inacceptable proposition de loi créant un emploi fonctionnel de directeur-directrice d’école va modifier en profondeur leur rôle et leurs missions ainsi que le fonctionnement de l’école ; le milliard d’euros débloqué pour l’apprentissage ne sera pas utilisé pour un plan d’urgence pour la voie professionnelle ni pour mieux accueillir tou·tes les jeunes, améliorer les conditions de travail et permettre la réussite des élèves.
Le « monde d’après » s’annonce bien pire quand on voit que le gouvernement Philippe-Macron-Blanquer utilise l’épidémie du COVID-19 pour faire passer de nouvelles attaques. L’espoir vient une nouvelle fois des luttes en cours et à venir. Le 16 juin, les personnels hospitaliers se sont fortement mobilisés et d’autres secteurs professionnels, comme l’Education, étaient dans la rue à leurs côtés. Les très fortes mobilisations contre le racisme et contre les violences policières ont rassemblé des milliers de jeunes mais aussi de nombreux salarié.e.s, et nous appelons les personnels de l’Education à être nombreux/ses dans ces rassemblements. Le gouvernement a fait un choix. Aux salarié.e.s du public et du privé, aux jeunes, aux retraité.e.s, aux précaires, aux privé.e.s d’emploi d’en imposer un autre pour l’écologie, les conquis sociaux, les libertés, contre le racisme, les discriminations, les violences policières, la répression... et pour ne pas payer la crise économique qui se profile après la crise sanitaire.