Un 19 octobre dont on se souviendra : témoignage d’AESH !
par
popularité : 11%

Découragé·e·s par le faible nombre de manifestants à Rouen, Dieppe, le Havre, Evreux, lors des mobilisations ou grèves spécifiques AESH, l’idée s’est petit à petit imposée de défiler à Paris vers un seul objectif : faire suffisamment de bruit pour que les passants parisiens arrêtent de nous demander « c’est quoi AESH ? » et scander haut et fort nos légitimes revendications au plus près des fenêtres du Ministère qui semble ignorer nos problématiques depuis un joli paquet d’années maintenant.
Car oui, elles sont belles et bien légitimes nos revendications. Loin de caprices de personnels pourtant employés par cet éminent Ministère qu’est l’Education Nationale et qui nous refuse la possibilité d’être titularisé·e·s, c’est une vraie traversée du désert qu’ont entrepris les accompagnants d’élèves en situation de handicap. Entre cinglantes désillusions propres à chaque rentrée scolaire (absence d’affectation, de contrat, de salaire pendant presque 3 mois entre autres), dérives dans nos missions faute de statut solide, exclusion des équipes éducatives parfois, découvert bancaire difficile à gérer faute de rémunération correcte, jusqu’à 3 emplois supplémentaires pour pallier le faible salaire pour les AESH qui en ont la possibilité, les revendications portées par les accompagnants n’ont rien de futile.
Pourtant, malgré la nécessité de se mobiliser massivement pour avoir plus de poids sur le Ministère, trop peu d’AESH se rassemblent devant les Inspections Académiques, Maisons de l’Education, Rectorats locaux. Loin de porter un jugement sur les personnels absents, les raisons sont multiples : peur de ne pas voir son contrat renouvelé, peur d’être étiqueté, blâmé par sa hiérarchie, coût d’un jour de travail perdu suite à une journée de grève…
Il nous fallait rallier un endroit stratégique, faire converger les fleuves AESH régionaux vers l’océan parisien. La route, on la connaissait, la motivation, on la détenait, les slogans, on les avait. Quant au nombre de manifestants, la grande inconnue…
J’avoue avoir passé une nuit blanche, pas tant par l’idée d’oublier de me réveiller ou de ne pas entendre mon réveil, mais par l’idée qu’on ne soit pas en nombre suffisant.
Ce matin-là j’ai fait l’impasse sur le bon anti-cernes, et les photographes se sont saisis d’un visage blême et fatigué, traits si caractéristiques des AESH au final. Cela dit L’Oréal ne se fera pas d’argent sur le dos des AESH non plus.
Pourtant, ce trajet qui nous envoya vers Paris n’eût rien d’un banal voyage en car.
Ni son excellent chauffeur, ni l’ambiance qui s’est progressivement installée, nous n’oublierons.
Ni le soleil radieux (mes prières à Evelyne Deliah ont été exaucées), ni les slogans isolés puis à l’unisson, ni la clameur de la foule (on pourra remplir un Zénith pas de doute), ni le déchainement au travers des mégaphones (l’extinction de voix nous a frôlé·e·s), nous n’oublierons.
Ni cette montée sur le camion pour la prise de parole avec une voix de vieux disque rayé, ni l’empêtrement dans les fils de la sono, ni la vue de ce cortège sans fin malgré la hauteur, je n’oublierai.
Rudement secoué·e·s et découragé·e·s par cette difficile rentrée, cet épisode de manifestation parisienne a ravivé une ferveur collective, mis du baume dans nos cœurs meurtris, ravivé les motivations individuelles.
Oui Paris on l’a fait, oui Paris c’était beau, oui Paris c’était même sublime et d’autant plus difficile de la quitter pour regagner Rouen. Le 19 octobre 2021 c’est le début d’un renouveau dans la poursuite de la lutte des AESH vers la conquête de leurs droits et d’un statut largement mérité.
AESH, soyons fier·e·s de nous. Certes dénigré·e·s au quotidien, nous avons cependant gagné des acquis non négligeables grâce à nos SDEN. Paris a même rougi devant la présence de François-Xavier Durand, l’âme fondamentale du combat des AESH en Normandie. On ne te sera jamais assez reconnaissant·e·s.
Stéphanie, AESH