L’inclusion à tout prix : Comment faire reposer la responsabilité d’un objectif louable sur les épaules de travailleur.euse.s à bout de souffle.
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Un des objectifs prioritaires de l’éducation en 2021, si l’on en croit les discours et le temps consacré par l’ensemble des équipes (enseignants, AESH, infirmières, personnels de direction etc.) à cette question, est la désormais célèbre et galvaudée inclusion. Prioritaire, mais pas vraiment.
Il est indéniable que le nombre d’élèves en situation de handicap présent dans les classes a augmenté au fil du temps. Ainsi se sont développés les PAP, PAI, GEVASCO et autre tentatives de formalisation d’objectifs et/ou de diagnostics médicaux pour venir en aide aux élèves. La nécessité d’un accompagnement HUMAIN desdits élèves s’est rapidement fait sentir mais ne s’est que trop lentement développée dans les faits.
Dernier né du sigle en la matière, le PIAL (Pôle d’Inclusion et d’Accompagnement Localisé) était censé venir palier tous les mots de l’inclusion. L’objectif est de développer un accompagnement au plus près des besoins de chaque élève, de développer l’autonomie de ces derniers, en vue de leur faire acquérir des compétences du socle commun. La belle affaire, les travailleur.euse.s n’attendaient que cela pour agir ! Derrière ce discours d’apparat se cachait une réalité bien décevante que ce soit pour les élèves, mais aussi pour les acompagnant.e.s. Premièrement, la « mutualisation » des moyens humains requiert des AESH qu’elles/ils s’occupent de plusieurs élèves en même temps. En conséquence de quoi, le temps d’accompagnement par élève se voit globalement réduit : pour développer l’autonomie c’est réussi, mais peut être pas pour le développement des compétences de l’élève… Ensuite, l’accès aux bilans des professionnels de santé reste inaccessible aux AESH : pour être au plus proche des besoins de chacun, c’est raté !
Bien entendu, le PIAL n’améliore en rien, voire aggrave les conditions d’exercice des agents concernés. Alors que c’est une nécessité pour créer un corps de métier motivé, compétent et stable, aucune revalorisation salariale n’a été envisagée pour les AESH (rappelons que certain.e.s doivent se contenter de 700€ par mois). Les formations proposées ne sont toujours pas reconnues par l’état, ce qui les rend par exemple inutile auprès de Pôle Emploi en cas de recherche de second emploi ou même de reconversion (qui en voudrait en étant payé 700€ par mois ?). Le PIAL se vend également comme producteur de réactivité et de flexibilité !… Au prix de changement d’emploi du temps des AESH dans les 24 à 48h (parfois d’un établissement à un autre) sans considération aucune pour les situations personnelles.
Les promesses du PIAL semblent donc bien lointaines lorsqu’on s’attarde sur son application sur le terrain. La recette reste toujours la même : contraindre au maximum les agents sans attribuer de réels moyens et faire reposer l’entière responsabilité du dispositif sur les maillons les plus fragiles de l’échiquier Blanquer !
Mais l’inclusion est aussi l’affaire des récentes arrivées d’UEE (Unités Externalisées d’Enseignement). Les intentions semblent encore une fois louables : inclure des groupes d’élèves issus des IME dans les établissements « normaux ». Le terme « inclure » serait ici à définir. Dans les faits, ces élèves restent la plupart du temps entre eux dans des salles qui leur sont attribuées en fonction des possibilités (sans moyen, donc). Ensuite et surtout, la cohabitation (puisque c’est factuellement de quoi il s’agit) peut se révéler compliquée. Les enseignants n’étant pas formés à l’accueil de ces élèves à besoin très particuliers, des tensions peuvent apparaître. Tensions dont les victimes, in fine, sont les élèves. Le projet d’inclusion progressive dans les classe sans qu’aucune formation ne soit mise en place (pas plus que pour les élèves déjà inclus) n’est pas vraiment de nature à rassurer les enseignants. Si certains avaient compris qu’ils pourraient profiter au sein de leur établissement de l’expertise des personnels de santé rattachés au IME, ils auront du mal entendre... En somme, un projet de fermeture progressive des IME (peut-on parler d’austérité ?) déguisé en projet pédagogique universaliste.
On entend régulièrement cette petite musique qui veut que tout ne soit pas une question de budget. Les besoins sont clairs : recrutements massifs d’enseignants, d’AESH, de personnels de santé, création de réelles formations pour répondre aux enjeux, entretient et agrandissement d’établissements, revalorisation de salaires etc. Pas une question de budget dites-vous ? Au final, si l’école de demain n’évolue pas avec la société, ce n’est que l’ensemble de la société qui en pâtit.