Inspecteur ou adjudant ?
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Ns publions ci-dessous un article paru dans L’Humanité le 27 juin dernier.
Un prof menacé pour « désaccord pédagogique »
L’académie de Paris demande la mutation d’un professeur des écoles et le menace, en cas de refus, de comission disciplinaire.
Il a jusqu’à ce soir, 17 heures pétantes, pour déposer sa demande de mutation. Passé ce délai, Dominique Piveteaud, enseignant à l’école Cavé, dans le 18e arrondissement de Paris, risque d’être muté d’office, voire de passer en commission de discipline. Il perdra, du même coup, la possibilité d’exercer sa mission de maître-formateur à l’IUFM, puisque toutes les écoles ne possèdent pas de tels postes. « C’est ce que souhaite l’inspecteur de l’académie de Paris, assure-t-il. Il ne veut plus que je forme d’autres enseignants. Mais il ne veut pas non plus que cela passe pour une sanction. »
La veille, et avant de lui accorder ce sursis, le supérieur hiérarchique avait sèchement ordonné le transfert. La mobilisation d’enseignants parisiens l’a visiblement poussé à prendre plus de gants. Car l’affaire soulève des humeurs. Hier matin, les enseignants d’une école du 13e arrondissement refusaient de monter en cours. Dans le 18e arrondissement, on évoquait l’idée d’une grève.
La décision du recteur ne tient pas, affirme-t-on. « C’est une sanction prise hors protocole, souligne Clarisse Blancheau, institutrice rue Cavé. Aucune commission disciplinaire n’a été réunie. Et pour cause : aucune faute professionnelle ne lui est reprochée. » Contactée, l’académie n’était pas en mesure de s’exprimer hier après-midi.
Mais, selon Clarisse Blancheau, Dominique Piveteau est victime de ses engagements pédagogiques et politiques. Il participe au mouvement RESF contre l’expulsion d’enfants sans papiers. Investi pédagogiquement, il est adhérent au Groupe français de pédagogie nouvelle (GFEN) et auteur de plusieurs ouvrages publiés à l’École des loisirs.
Lien de cause à effet ? Toujours est-il que Dominique Piveteaud se voit aujourd’hui vilipender pour ses manières d’enseigner. « En résumé, l’inspectrice de circonscription m’accuse d’utiliser la méthode globale, ce qui est faux. J’utilise une méthode mixte. Surtout, je m’appuie sur la littérature. »
On lui reproche également un manquement à la déontologie : en octobre, il a inclus un article de Charlie Hebdo au dossier de lecture de ses élèves. « C’était une planche de BD, qui croquait la journée des élèves de mon école, un jour de soutien à une enfant sans papiers. » Clarisse Blancheau précise : « Ce sont les parents eux-mêmes qui avaient demandé à avoir cet article… » On n’apprécierait pas, enfin, les positions qu’il affiche en conseil pédagogique, souvent opposées à celles de son inspectrice de circonscription. Celle-ci avait demandé à l’inspecter, en mars. Dominique Piveteaud a refusé. « J’ai déjà été inspecté sans problème il y a deux ans », argumente-t-il, quand la norme est d’une inspection tous les quatre ans. « Cette fois, je me sentais visé. Le climat était délétère. Elle venait de réduire un collègue en morceaux, je ne voulais pas vivre cela. »
Il faut dire que la dame a sale réputation dans la circonscription de la Goutte-d’Or, où elle oeuvre depuis quatre ans. Les enseignants évoquent la démission, depuis son arrivée, de deux conseillères pédagogiques et le découragement de trois secrétaires de circonscription.
Dominique Piveteaud, lui, assure qu’il ne demandera pas sa mutation. « Ce serait reconnaître que j’ai tort », explique-t-il. « Jusqu’à présent, la diversité pédagogique n’était pas un obstacle, dès lors que nous avions pour objectif commun », se remémore-t-il. Fin d’une époque ? Son affaire, quoi qu’il en soit, rappelle celle de Pierre Frakowiak, inspecteur de l’Éducation national, qui, en 2006, avait été soumis à une procédure disciplinaire pour avoir critiqué le point de vue sur la lecture prôné par Gilles de Robien, alors ministre de l’Éducation.
Marie-Noëlle Bertrand
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