Non à la masterisation des concours - Pour un recrutement à Bac + 3
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Pour tenter de faire face à la crise, le gouvernement compte accélérer le rythme de ses contre-réformes. Outre les suppressions de postes et la « réforme » des lycées, le gouvernement annonce une réforme des concours de l’enseignement dès 2010 : seront touchés tous les concours, y compris l’agrégation. Le projet de Darcos accroît la logique de sélection sociale, tout en déqualifiant les enseignants et en dégradant encore davantage la qualité de l’enseignement.
Une sélection sociale accrue
A l’avenir, pour pouvoir se présenter aux concours de recrutement, les étudiants devront avoir d’un master. Ils auront dû étudier cinq années après le Bac contre 3 aujourd’hui (4 pour l’agrégation) : les concours ne seront ouverts qu’aux étudiants qui pourront financé ces cinq années. Or de moins en moins d’étudiants ont accès à des bourses qui, de plus, sont réévaluées plus lentement que l’inflation, les aides au logement sont insuffisantes et beaucoup d’étudiants sont contraints de trouver un emploi. La sélection sociale se renforce donc pour devenir enseignant.
Casse de la qualité de l’enseignement
La masterisation doit permettre de passer « d’une logique de revalidation du niveau universitaire à une logique de recrutement conforme aux besoins de l’employeur ».
Darcos affirme chercher « l’élévation du niveau de recrutement et une amélioration de la qualité de la formation ». En réalité, les trois exigences pour devenir enseignant seront désormais la culture disciplinaire (et non pas la connaissance), la capacité à organiser un enseignement et la connaissance du système éducatif. Les compétences disciplinaires sont mises sur le même plan que la « connaissance » des « réformes » successives et des annonces ministérielles démagogiques !
Les nouveaux concours compteront deux épreuves. L’admissibilité aura lieu à l’issue du premier semestre universitaire et l’admission à la fin du second. Que feront le restant de l’année les étudiants non admissibles ? Ils iront travailler en attendant de se représenter au concours l’année suivante ? C’est seulement pendant l’admissibilité que seront évaluées les connaissances du candidat, limitées à une « culture générale disciplinaire » et à la manière dont il la « réinvestit » dans « l’étude des programmes d’enseignement secondaire ».
Pour l’oral, la « réforme » veut ajouter une épreuve d’entretien avec un jury pour « vérifier les connaissances du candidat relatives aux valeurs et aux exigences du service public, au système éducatif et à ses institutions et de manière plus générale à son aptitude à exercer le métier de professeur de collège et de lycée. » C’est en réalité un exercice de formatage. On peut s’interroger sur ce que sera la connaissance des « valeurs » du service public. La maîtrise et l’adhésion aux dernières contre-réformes du gouvernement ?
Changement fondamental, le ministre souhaite « impliquer dans le recrutement des personnels de direction, des membres de l’administration et la hiérarchie de l’éducation nationale, ainsi que des membres de la société civile ». Des chefs d’établissements et des patrons auront désormais leur mot à dire sur le recrutement des enseignants ! Cette « épreuve » pourrait même être la porte ouverte au recrutement par piston, copinage voire pire.
Des enseignants déqualifiés
Selon Darcos, la « réforme » permettrait de juger réellement l’aptitude des candidats à enseigner. Est-ce le cas ? Tout d’abord, l’actuelle formation des enseignants comporte une immense partie pratique, le stage d’un an en situation, complété par une formation à l’IUFM (insatisfaisante mais qui a pourtant le mérite d’exister !) Ensuite, on voit mal comment il serait possible de juger des capacités supposées des candidats à enseigner grâce à « un entretien » visant à « vérifier les connaissances du candidat relatives aux valeurs et exigences du service public, au système éducatif et à ses institutions ».
De plus, cela nie le fait que la première condition pour assurer un enseignement consiste à bien maîtriser sa discipline.
Enfin, envoyer les candidats admis enseigner immédiatement à temps plein, c’est préparer de multiples catastrophes pédagogiques (du côté des élèves) et des difficultés personnels et une souffrance au travail (du côté des enseignants). Toute personne connaissant le métier d’enseignant sait que les premiers cours sont longs et difficiles à préparer et que la gestion d’une classe est quelque chose qui s’apprend peu à peu, sur le terrain, avec l’aide d’enseignants expérimentés.
Les motivations réelles de cette « réforme »
Si les prétextes « pédagogiques » ne justifient pas la « réforme », quelles sont ses objectifs ?
Modifier la nature même du corps enseignant pour faciliter la mise au pas de l’Education nationale
Le collège et le lycée actuels demeurent, pour le gouvernement et le patronatt, encore trop organisés autour de la transmission des savoirs et de la formation du jugement. Darcos veut un système éducatif proposant une formation limitée au strict nécessaire pour la production, afin de former les futurs travailleurs les plus dociles possibles.
L’un des obstacles à cette transformation est la volonté des enseignants d’enseigner. Or celle-ci est liée , en partie, à leur recrutement : sélectionnés sur leur savoir disciplinaire, les professeurs développent au cours de leurs études à la fois un goût pour le savoir et un certain sens de l’indépendance intellectuelle. L’importance de l’entretien avec le jury, un véritable entretien d’embauche, permettra de sélectionner les futurs enseignants sur des critères qui ne sont pas purement intellectuel et scientifique.
Enfin, cette réforme permettrait aussi de faire une économie importante de postes : en envoyant directement les lauréats du concours enseigner à plein temps, le ministre récupère 10 000 emplois.
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La Cgt revendique
⇨Le concours comme voie normale de recrutement des fonctionnaires
⇨L’augmentation du nombre de places aux concours
⇨La titularisation sans conditions de tous les précaires, pour résorber de façon définitive la précarité
⇨La revalorisation conséquente et l’extension des bourses, la gratuité des droits d’inscription et des transports, la construction de logements étudiants à loyer modéré, pour les étudiants
⇨La mise en place un système de pré-recrutement dans le cadre de cycles préparatoires rémunérés
⇨Une formation progressive programmée, accompagnée, étalée sur deux années scolaires, avec une titularisation au bout d’un an de stage
⇨La mise en place de critères explicites de titularisation, la possibilité de faire appel devant le jury de la décision, l’obligation pour le jury de motiver par écrit ses décisions de refus
⇨Le renouvellement automatique de stage avec un suivi et une formation adaptée pour les stagiaires en difficulté