Varinard : Le chiffon rouge
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Selon une technique de communication désormais bien rodée, certains organes de presse reçoivent des fuites sur un rapport quelques jours avant sa parution. C’est le cas pour celui du recteur Varinard sur l’ordonnance de 45. Comme d’habitude, on met en exergue un point qui devient l’objet unique de la curiosité des médias.
Il sera donc difficile d’intéresser ces mêmes médias, le 3 décembre, date de la remise officielle à la ministre à d’autres sujets que ceux qu’ils connaissent déjà. La CGT n’ira pas au pince-fesse prévu ce jour-là (comme d’autres), le service de propagande de la ministre se chargera de nous donner son point de vue…
Cette technique de fuites est la même que lors de la création du fichier Edvige. « On » (qui ?) avait mis en avant le fichage des mineurs et il nous était impossible de faire entendre aux médias que ce n’était qu’un élément d’un ensemble. Il aura fallu, des recours en justice, une campagne formidable et une mobilisation populaire en plein été pour que les médias daignent enfin parler des malades, de l’orientation sexuelle, des militants de tous poils et de l’absence de contrôle sur les données… Nous en sommes au même point pour la justice des mineurs !!!
1/ Ce rapport, n’est qu’un rapport, mais on sait l’utilisation faite du rapport Bénisti, pour préparer la loi de prévention de la délinquance. On voit aussi des lignes de défense gouvernementales se mettre en place avec l’intervention de Fillon sur ce dossier depuis l’étranger pour minimiser
2/ Les fuites servent à tester la mobilisation. Il faut la construire et trouver des alliés au-delà de notre administration et au-delà de la justice. La CGT prendra sa place dans la construction d’un rapport de force pour défendre une autre relation à la jeunesse que celle de la peur ou de la stigmatisation.
3/ Nous devons rappeler la composition de la commission penchait vers la droite (souvent extrême) – sur ce point voir le site de Visa : http://isa.isa-geek.net/node/191 . Seul l’idéologie sécuritaire semblait avoir droit de cité et d’expression dans cette commission, la CGT remet donc en cause le titre « d’expert » décerné par les médias à une part importante de ses membres.
4/ Le travail d’analyse commencera vraiment dès que le rapport complet sera rendu public et que nous saurons ce que le gouvernement veut en faire. Le réel danger, c’est une révision du code de procédure pénale et du code pénal (« code de justice des mineurs) » que ce rapport légitimerait.
Quelques éléments de contexte :
Si nous écouterons ce que dira la ministre, nous ne pensons pas qu’elle soit vraiment en capacité de porter politiquement cette réforme. Souvenons-nous que sa priorité était la loi pénitentiaire qui est aujourd’hui reportée sine die…
En conséquence nous pensons qu’au-delà de l’écume médiatique, il ne se fera pas grand chose avant 3 ou 4 mois, voire plus…Ce qui est un temps conséquent pour construire des propositions alternatives pour la justice des mineurs, en se fondant sur des éléments objectifs et vérifiés et non sur la démagogie ou le mensonge que manie allègrement la ministre :
- La CGT, comme le Canard enchaîné n’a pas de trace du mineur condamné à son 52e délit à l’EPM de Marseille…
- La CGT met au défi la ministre de prouver ce qu’elle avance sur les 204 000 mineurs criminels ou de démontrer l’augmentation de la délinquance des mineurs depuis 10 ans, puisque sa part a baissé par rapport à la délinquance générale ! Il est vrai que le travail de Monsieur Laurent Mucchielli, sociologue, directeur de recherche au CNRS et du CESDIP démontre statistiquement ce que nous constations sur le terrain. Son document, publié sur le site : www.claris.org est une synthèse qui permet de remettre en cause les fausses rumeurs entretenues par les tenants des politiques sécuritaires en se fondant uniquement sur des chiffres fournis par la police et la justice. Il ne peut y avoir de procès idéologique : les faits sont têtus !
Construire une mobilisation contre un projet de loi inique qui serait fondé sur les conclusions de ce rapport, passe donc aussi par la recherche de prises de position de chercheurs, d’élus, mais aussi de la Défenseure de Enfants, de l’Unicef ou d’instances européennes…
L’Europe condamne la France si elle persiste dans le répressif !
Une nouvelle fois, après le rapport de M. Gil-Roblès, en 2006, la France est montrée du doigt par Thomas Hammarberg, commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe. Son mémorandum, rendu public il y a quelques jours, (sur le site www.coi.int , derniers documents), est parfaitement clair : « le commissaire déplore l’évolution législative permettant de porter atteinte à l’excuse de minorité »(IV,§70) et la loi sur les peines plancher qui « restreint le pouvoir d‘appréciation du juge quant aux choix de la peine et ses modalités ». Le commissaire « tient à exprimer son inquiétude quant au durcissement de la justice juvénile »(§71). Il réitère les recommandations faites dans le rapport de 2006 qui préconisait déjà de « favoriser dans tous les cas l’action éducative sur tout forme de répression ».
Alors qu’il était en France en mai 2008, M.Hammarberg connaît les conclusions de la commission Varinard. Il y consacre le 2e chapitre du titre consacré à la « justice juvénile »…
§73 « certains souhaits émis par le ministère suscitent des inquiétudes quant aux orientations ».
§74 « la primauté de l’éducatif sur le répressif sont des principes incontournables »
§75 le Commissaire « estime que le problème des jeunes délinquants ne sera pas résolu par des peines plus dures » et rappelle les droits de l’enfant : « les états parties » –donc la France- doivent s’efforcer de « traiter les enfants en conflits avec la loi sans recourir à la procédure judiciaire » !!!
§76 « au contraire de certains arguments entendus » l’âge de certaines sanctions pénales devrait se rapprocher…de l’âge de la Majorité !!!!!
Et le commissaire de conclure qu’il convient « d’accroître les moyens accordés à la PJJ dans le but de PREVENIR la délinquance de renforcer le suivi et l’encadrement »des jeunes..
Merci Monsieur Hammarberg du camouflet à la logique politique de ce gouvernement. Ces écrits seront une base solide pour tout recours devant les juridictions européennes…
Ne pas se tromper de bataille.
Les indications nous portent donc à croire que cette commission était une commission fantoche dont les décisions ont été écrites par avance par le ministère d’autant plus facilement que Monsieur Varinard ne connaissait rien à la justice des mineurs, si ce n’est le niveau « 20 heures de TF1 ». _ Il a refusé de recevoir la CGT, il n’avait pas le temps de recevoir la première confédération de salariés.
Puisque certains méprisent la CGT, elle rappellera quelques fondamentaux du dialogue social au gouvernement lorsque viendra le temps des discussions sérieuses.
Pour la CGT, ce projet n’est que la mise en musique d’une politique de destruction du service public de la Justice. Le texte fondamental reste la RGPP qui prévoit le recentrage de la PJJ au pénal.
C’est ce recentrage qui induit, le remise en cause de la PJM, le renvoi de l’assistance éducative aux Départements et la restructuration de la DPJJ.
Comme les décrets d’application de la loi dite de protection de l’enfance tardent à sortir, une révision brutale via la révision du code de justice des mineurs permettrait d’imposer aux collectivités territoriales les obligations qu’elles refusent de reprendre, sans réel transfert de moyens, de l’Etat.
A l’heure des fermetures de DR, de DD et de services. A l’heure où, selon les déclarations, entre 400 et 1000 postes sont en danger dès 2009, la priorité de la CGT reste la construction d’une riposte massive avec l’ensemble des personnels… Ce qui se construit en intersyndicale dans l’Est de la France est un bon exemple avec la préparation d’Etats Généraux de la PJJ, en parallèle de recours devant les instances régionales ( Conseil Économique et Social par exemple) ou en justice…
Ce texte préfigure sans doute un projet de loi inacceptable et dangereux pour la démocratie. C’est en construisant un vrai rapport de force, en recherchant des alliés que nous ferons reculer le gouvernement.
C’est la responsabilité de chacun d’y contribuer, nous sommes à l’écoute de vos propositions. la CGT fera les siennes dès que nous connaîtrons les orientations du gouvernement suite à ce rapport… Pour l’heure, le licenciement des contractuels commence, les annonces de fermetures se multiplient, l’insertion est réduite en miette, on ne parle que de transferts de postes : c’est la priorité pour les personnels, c’est aussi celle de la CGT !
Montreuil, le 1er décembre 2008.