Rythmes scolaires : quand l’Allemagne vante le modèle français (Le Monde du 25 mai 2010)
Des cours le matin, du sport l’après-midi ? Dès l’annonce, mardi 25 mai, de l’élargissement de l’expérimentation sur les rythmes scolaires menée dans un lycée de Meaux (Seine-et-Marne), le système allemand a été cité en modèle. Il n’a pourtant pas grand chose à voir.
Dans le système annoncé par le ministre de l’éducation, Luc Chatel, les collèges et lycées concernés proposeront uniquement du sport, qui sera réalisé dans le cadre scolaire. Outre-Rhin, les cours sont certes concentrés le matin. Mais les élèves sont libérés en début d’après-midi et peuvent ensuite s’occuper librement. En faisant aussi bien du sport que des jeux vidéos.
Rapprocher cette expérimentation du "modèle allemand" est d’autant plus difficile que ce dernier a subi de sérieux coups de canif ces dernières années. Les mauvais résultats du pays dans la première étude comparative des systèmes éducatifs menée par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en 2000, ont été un choc pour l’Allemagne. Selon les compétences évaluées, les élèves allemands se classaient à la 20e ou 21e place sur les 31 pays étudiés par l’OCDE.
Face à ces résultats, l’Allemagne a décidé de remanier en profondeur son système éducatif. Le morcellement du système (l’éducation est de la compétence des Länder) ou la différenciation très tôt entre enseignement général ou professionnel, qui se fait dès la sortie de l’école primaire, ont été remis en cause. Le rythme scolaire est aussi évoqué. Les cours concentrés sur la demi-journée accroîtraient les inégalités entre enfants d’origine modeste et ceux dont les parents ont les moyens de financer des activités pédagogiques supplémentaires l’après-midi.
DES RÉSULTATS LIMITÉS
Mais c’est un autre argument qui a conduit à promouvoir l’école toute la journée : le faible taux de natalité allemand. Les féministes vantent depuis longtemps le système éducatif français qui permet aux femmes de cumuler emploi et éducation des enfants. Outre-Rhin, les mères doivent souvent s’occuper des enfants l’après-midi. Conjugués à l’absence d’un système d’école maternelle pour tous, ces rythmes allégés décourageraient les femmes de faire des enfants.
En 2003, le gouvernement allemand a donc décidé de mettre en place un programme de quatre milliards d’euros pour développer les établissements qui fonctionnent toute la journée. L’effort à réaliser est considérable : la plupart des écoles allemandes ne disposent même pas d’une cantine ! En sept ans, le programme a soutenu 7 200 établissements à travers le pays. Avec des résultats limités. Entre 2002 et 2006, la part d’élèves qui fréquentent une école toute la journée est passée de 9,8 à 17,6 %. Les résistances restent fortes dans un pays où le modèle de la mère qui se consacre à l’éducation de ses enfants a la vie dure. D’ailleurs, la plupart des écoles qui ont mis en place des programmes sur l’ensemble de la journée laissent la liberté aux élèves de participer ou non aux activités de l’après-midi.
Il n’est donc pas certain que cette mesure ait eu un quelconque effet sur l’efficacité du système éducatif allemand. "Le développement des écoles à journée complète n’a été qu’une des mesures prises pour faire remonter l’Allemagne dans les classements", rappelle toutefois Eric Charbonnier, analyste à la direction de l’éducation de l’OCDE. Selon lui, "d’autres mesures, comme l’assouplissement de la différenciation des cursus dès l’âge de onze ans ou l’apprentissage de langues étrangères très tôt ont eu beaucoup plus d’impact".
Toutes les brèves du site